Nous avons récolté les oignons rouges de Florence, variété italienne, ancienne et magnifique. Voyez ces bulbes longs, rose vif, dont la chair est juteuse, douce et sucrée et rappelle l'échalote. La conservation, dit-on, est difficile, donc ceux qui passeront par ici se verront offrir une petite poignée d'oignons rouges de Florence. Chance !
Ce midi, j'en parsèmerai notre salade de tomates, avec une légère effeuillée de basilic.
Viva l'Italia !
Nous étions là. Il faut parfois partir. Quitter son décor, pour en ouvrir un autre, ailleurs. Quitter sa terre pour parcourir une autre terre qui est toujours la terre. Quitter les arbres, l'eau, les chants d'oiseaux, qui sont autres, ailleurs. Se décoller des routines d'ici, prendre le temps de voir l'ailleurs, jusqu'à avoir envie de revenir. Car ici la terre, l'eau, le jardin sont nos compagnons fidèles et vivre sans eux ne peut durer longtemps. Revenir et poser un œil neuf sur eux, mesurer à quel point on s'aime, eux et nous. On m'a dit un jour que les nomades emportent avec eux un petit tapis qui représente leur terre. Ils la transportent ainsi partout.
Notre terre c'est nous et nous sommes notre terre
Et c'est un bon retour...
Dans mon enfance, nous habitions l'appartement du premier dans un petit immeuble du début du siècle dernier. Au rez-de-chaussée il y avait un café. En ce temps-là ces lieux étaient très fréquentés et nous avions l'habitude d'entendre un constant bruissement de voix, de musique de juke box, de machine à café. Et tard dans la nuit, sur le trottoir, les bavardages nocturnes et incompréhensibles d'hommes ivres qui parfois me réveillaient.
J'aimais bien, une fois couchée, m'endormir dans l'ambiance de ce bistrot. Ça me berçait. Souvent les enfants se sentent seuls dans leur lit, ils ont peur. Ce n'était pas mon cas.
Mais le meilleur soir se déroulait une fois par mois, quand quelques habitués, musiciens, venaient jouer avec leur groupe de jazz. Et dans les années cinquante, le jazz c'était un must.
Je m'endormais avec Django Reinhardt, Oscar Moore, Van Eps, Tal Farlow, dont je n'ai découvert les noms que bien plus tard.
Quand il m'arrive d'écouter du jazz, c'est invariablement celui de ce temps-là.
Ma petite belle-mère, qui nous a quittés à 96 ans avait, comme toutes les femmes de sa génération, un service complet de porcelaine. Et quand je dis complet... je n'exagère pas.
Je n'ai pas supporté l'idée de voir partir tout cela je ne sais où. Il nous rappelait trop les Dimanches en famille, quand ma belle-mère nous faisait ses filets aux champignons ou ses quenelles de veau. Je l'ai donc adopté en bloc. Porcelaine simplette, mignonnette, semée de fleurettes bleues. Eh bien à présent nous nous en servons tous les jours pour ne pas la laisser dormir et non l'utiliser, comme autrefois, uniquement pour les occasions.
Ma petite belle-mère est ainsi près de nous, c'est une façon de l'inviter, de la continuer.
Et puis la vieille porcelaine, c'est un vrai plaisir.
Je vous l'ai dit, les anciennes sont présentes dans cette cuisine !
À Lundi prochain, pour les suivantes...