L'ONDINE DE MORIMONT (4)

Publié le par Patricia Gaillard

photo P.Gaillard

L'ONDINE DE MORIMONT (4) *

La belle avait disparu...

Le chevalier, cette fois inconsolable, tomba dans une langueur qui le rendit malade à mourir. Tous les médecins, les guérisseurs, les charlatans coururent à son chevet, mais aucun ne possédait la science qu'il fallait pour le guérir.
Mathilde, dans sa chambre de grenier, se faisait du mouron. Elle descendit alors dans les cuisines et fit une tisane - les filleules d'ondines ont un savoir inné de ce ce genre de recettes - elle prit un gobelet de grès, posa la bague au fond et puis versa dessus la mixture chaude et dorée. Elle fit porter cette potion au chevalier. En buvant la tisane, celui-ci trouva la bague et fit appeler aussitôt toutes les filles des cuisines. Mathilde bien sûr était là. Il vit le nez, les yeux, la bouche, même sans la robe il reconnaissait cela. Elle rougit un peu et avoua. Il sourit, et comme il se sentait soudain très bien, on le déclara carrément guéri.
Ils s'épousèrent, vous vous en doutez... car c'est souvent ainsi qu'un conte merveilleux se termine.
Cependant pardonnez-moi, celui-ci a un rebondissement, car ce chevalier avait une mère - beaucoup en ont - mais la sienne n'était pas bonne. Elle détesta Mathilde dès le premier regard et chercha longuement comment briser ce mariage qu'elle voyait heureux, au point que, de jeux d'amour en jeux de lit, en jeux de vie, un bébé arriva, rose, joufflu et tendre. La vieille, qui était femme, avait voulu faire l'accouchement. Aucun fils ne s'oppose à une telle attention. La naissance terminée, Mathilde avait fait ce que nous faisons presque toutes, somnoler un peu enfin, délicieusement...
La vieille en avait profité pour se pencher sur le petit berceau et, prenant le bébé dans ses mains, elle avait posé à sa place le petit tordu, poilu, d'une bête misérable. Puis très vite elle avait jeté l'enfant par-delà le vitrail, dans les douves du château, où il s'était enfoncé sans résistance.
Le rejeton tordu, poilu, provoqua l'horreur de tous.
"Cette mère est sorcière, disait-on, elle a porté au jour un fils de Satan, ébouillantons-la et tuons cet enfant !"
On tua sans égard la pauvre bête noire et Mathilde fut traînée au-dessus du baquet fumant. Elle cria là son troisième souhait :
"Que vienne l'ondine !"
Et la gracieuse dame apparut, assise sur le rebord du baquet, le bébé rose et tendre dans ses bras, pas plus noyé que vous et moi.

Le chevalier découvrit quelle femme était sa propre mère et ne pardonna pas.

Mathilde et son beau chevalier - et tous les petits qui leur vinrent encore - eurent une vie grande et forte, comme elle vient souvent à ceux qui ont vécu beaucoup de choses.
On dit que ce sont ces deux-là qui s'installèrent plus tard dans le village de Rixheim, pour diriger de leur sagesse le Haut-Sundgau, durant des générations et des générations et des générations...

L'eau du baquet est refroidie
Et mon histoire est bien finie

* Conte extrait de l'ouvrage CONTES ET LÉGENDES D'ALSACE - Patricia Gaillard - éditions de Borée - 2010
 

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