Le mardi des souvenirs 6

Publié le par Patricia Gaillard

Dans les années 50, années de mon enfance, il y avait deux ou trois épiceries dans chaque quartier. Celle que nous fréquentions, tout près de chez nous, était pour moi une merveille. Elle était tenue par une dame italienne, madame Vuano. Je me souviens de cette femme souriante, sympathique, efficace. Toute petite, je m'y rendais avec ma mère. Et puis vers cinq ou six ans c'était moi qui faisais les courses. J'aimais bien. Je me souviens bien du filet à provisions qui était dans tous les foyers. L'épicerie sentait le lait, le hareng mariné, le saucisson, les épices et la banane. Y entrer me donnait faim. Le choix bien sûr était restreint et de toute façon nous n'avions pas de réfrigérateur ce qui nous obligeait à des courses quasiment quotidiennes. On y achetait le beurre, 125 g, sous papier argenté décoré de vaches vertes dans des prés fleuris, les yaourts nature, en pots de verre consignés. Un jour sont apparus les yaourts parfumés à la vanille et à la framboise. Merveilleuse nouveauté ! 
Il y avait quelques fromages, un peu de charcuterie, des fruits et des légumes de saison et de la région. Et puis le riz, les pâtes, la semoule, les flocons d'avoine, la farine, le chocolat, le café, la chicorée, dans de minces paquets en cellophane. Et les soupes déshydratées, pratiques et pas chères. Je me souviens très bien des cartons de présentation des soupes Knorr, qui étaient colorés et joliment décorés. La partie arrière était plus haute que la partie avant. Je demandais à avoir les boites vides et j'en faisais des théâtres. Madame Vuano le savait et elle ne manquait jamais de m'en réserver une. Et puis elle me donnait souvent une tranchette de saucisson danois ou un bonbon au miel. J'avais un tout petit porte-monnaie bleu ciel, offert par ma marraine, j'y glissais en partant les sous que maman me confiait, je payais les courses et je ne me trompais pas. J'ai su compter très tôt. Nécessité oblige. 

Quand je vois à présent les rayons immenses et remplis des grandes surfaces, je ne peux m'empêcher de penser à Madame Vuano, à sa petite épicerie, si humaine, si parfumée et aux simples courses que nous faisions, qui suffisaient à nous nourrir.

L'abondance n'a-t-elle pas moins de charme ? 

la gaillarde conteuse 

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