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LE DRAGON DE SOUCIA 3ème et dernière partie

Publié le par Patricia

3ème et dernière partie

De l’autre des bras volontaires avec des fourches, des pelles, des pioches, l’épée, que sais-je encore, ça tombait dru des deux côtés.
Il n’y eut pas de mort. La bête s’écroula à plusieurs reprises, elle semblait vaincue, complètement. Alors elle léchait le sang qui débordait , rose et épais, des plaies béantes de sa grosse peau verdâtre et jaune, tissée d’écailles, comme une armure d’or. Tout en léchant elle roulait des yeux malades. Pourtant elle reprenait vigueur et revenait à l’assaut, presque neuve. C’était désespérant. Les garçons faiblirent, leurs forces s’essoufflèrent, ils durent abandonner.

Devant leur courage et leur douleur le village entier se rallia à eux dans une fervente et sincère prière qu’ils adressèrent en chœur à Saint-Georges lui-même qui  a une forte expérience en matière de dragon. Et il les entendit. Si un Dragon peut nous dévorer, un saint homme peut nous entendre, l’un n’est pas plus étonnant que l’autre. Il les entendit donc.

Descendit-il ici sur son cheval, armé d’une lance et gainé de l’armure, pour nous rappeler de lui l’image qu’on connaît ? je ne crois pas. En tout cas, il envoya le jour de la Saint-Georges, un gel à fendre les pierres. Bien sûr les travaux de la terre en furent horriblement contrariés. Et cette année-là, si le dragon ne mangea plus, les hommes ne mangèrent pas non plus !  Mais il faut savoir ce que l’on veut. Du moins dormirent-ils bien.

En tout cas, gel ou pas, les jeunes hommes reprirent dans leurs mains décidées les outils de bataille où le sang rose avait séché, épais comme un coulis de fraises. Le combat reprit donc, tout aussi violent et tout aussi égal dans l’échange des coups. La bête en eut plusieurs et de très mal placés, son sang coulait déjà, mais ce froid infernal (!) qui collait les armes aux doigts rougis, gelait comme un sorbet le sang rose et épais. Au bout d’un temps bien long, privée de sa propre nourriture qui lui chauffait le cœur et qui fouettait ses énergies, la bête roula sur un côté, ses yeux devinrent liquides et verts, comme l’absinthe. Des convulsions brutales secouaient cette masse rugueuse. Le Dragon lançait des plaintes indéfinissables, qui étaient si tristes et si longues ! Les gens de Soucia s’en souvinrent longtemps. Il ne reste de nos jours plus aucune de ces oreilles-là, évidemment.

Puis les plaintes cessèrent, d’un coup. L’absinthe luisante des deux yeux devint une eau sale et gelée. Le dragon était mort. Tous sortirent des maisons, adultes, enfants, vieillards et chiens, pour voir ce spectacle fabuleux. Mais ils ne virent rien, ou presque, car telle une boue flasque et verte, le grand corps s’étala, et disparut très vite. Certains, qui espéraient lapider sa dépouille pour venger les disparus, étaient déçus.

Enfin le village de Soucia perdit cette menace, ce tourment, ce commerce indécent. Soucia perdit ce souci-là.

On construisit à Soucia une église dédiée à St Georges.

Dans le moment on pensait que c’était le plus honorable remerciement.

La vie revint, normale, avec les peines et les joies qui font les vies et elle resta ainsi. 

Peut-être que les enfants, le soir, dans leurs lits, pensent encore à ces histoires. Les raconte-t-on encore par ici ? Les jeunes filles savent-elles, si elles sont jolies, qu’elles ont bien fait de naître dans le temps d’aujourd’hui…


à bientôt !

 

la gaillarde conteuse...

 

 

 

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LE DRAGON DE SOUCIA 2ème partie

Publié le par Patricia

2ème partie

De là à accorder à ce monstre assoiffé de sang, une préférence pour les jeunettes, il n’y eut qu’un petit pas. Il fut vite fait...

En faisant le décompte objectif de ses derniers repas, on  arriva à un rythme de deux ou parfois trois par an. Il fut donc décidé de choisir chaque année les deux plus jolies filles du village pour les offrir en sacrifice et ainsi être débarrassé tout le reste du temps de cette lourde menace. C’était à tout prendre, une bonne solution. Disaient-ils.

Ceux qui décidèrent cela devaient être vieux célibataires, tordus ou misogynes, il devait même s’y être glissé des langues de vipères,  des épouses jalouses et quelques vieilles bigotes. De ceux qui prétendent renifler dans la jeunesse si belle et si vivante, un arôme d’enfer… Bref, ils devaient être bien nombreux car la chose fut adoptée. Comment firent-ils pour annoncer ce troc au géant sulfureux ? Jamais rien sur ce moyen ne me fut révélé. En tout cas, pendant au moins un an ou deux, peut-être plus, ils firent ainsi. Ils offraient les deux belles, liées pour rester sages. C’était dur, assurément, mais le village connaissait, pour tout le restant de l’année, une paix normale de village d’ici-bas. L’arrangement était horrible, mais ne paie-t-on pas souvent très cher sa tranquillité… 

Il y avait à Soucia, une bonne poignée de jeunes hommes, tous d’âge à se marier et qui commençaient à trouver que de tels cadeaux à cette cruelle créature, qui après tout n’était qu’une bête, leur ôtaient les partis les plus jolis, les plus gentils et les plus délicieux. Les vieux ont la raison et les jeunes ont la force. Ces gars prirent au hasard des outils de fortune, un seul qui était noble trouva dans son manoir une épée encore bonne à couper des gorges. Ces armes-là sont comme les langues, elles ne perdent pas vite leur tranchant. Ils partirent vaillamment, c’était très beau à voir. La jeune témérité fait briller le sang sous la peau. A force de chercher le dragon,  ils le trouvèrent. La bataille fut terrible. D’un côté les naseaux formidables qui jetaient tour à tour des flammes, des étincelles et une espèce de morve empoisonnée qui trouait les chemises de chanvre comme des radées de chevrotine. De l’autre des bras volontaires avec des fourches, des pelles, des pioches, l’épée, que sais-je encore, ça tombait dru des deux côtés.

 

À DEMAIN !


la gaillarde conteuse...

 

 

 

 

 

 

 

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LE DRAGON DE SOUCIA - PARTIE 1

Publié le par Patricia Gaillard

Partie 1

On dit que dans les temps anciens, un dragon hantait les rives de l’Ain, dans le canton de clairvaux-les-lacs. Le dragon est-il un parent de la Vouivre ? Ou alors est-ce elle, dans une de ses diverses… présentations ? Souvent femme varie, femme-fée-serpent peut-être aussi.

Mais ce dragon avait avec elle une nette différence, c’est qu’il était friand de chair humaine. Laissait-on une jeune bergère garder, du côté de la rivière, son petit troupeau blanc, on ne retrouvait rien. Ni les bêtes, ni l’enfant. Combien ont disparu à la tombée du jour, qui marchaient simplement pour retourner chez eux ? Le village de Soucia avait bien du souci. Sans doute l’antre du Dragon était-il proche de là, car c’était parmi les gens de Soucia qu’il prélevait la plus grande part de ses festins. Nul jamais ne savait au lever, s’il serait encore de ce monde à la tombée du jour. C’était crispant. Ça rendait les journées proprement impossibles et les nuits empesées d’un sommeil mauvais et tourmenté. Chacun pressentait dehors l’errance de la bête et quand un peu de vent courait dans les ruelles, chacun y entendait le souffle ardent du monstre. Chaque jour était effrayant et chaque nuit angoissante. 

Ce Dragon nul ne l’avait jamais vu, mais les récits des vieux racontaient par morceaux, ce que parfois certains survivants avaient entrevu. Il n’y avait donc aucun doute, c’était bien un dragon.

Un beau jour, on se mit à réfléchir. Quelqu’un fit remarquer que les victimes étaient tout de même bien plus souvent des filles, et des belles. De là à accorder à ce monstre assoiffé de sang, une préférence pour les jeunettes, il n’y eut qu’un petit pas. Il fut vite fait. ..

À DEMAIN !

la gaillarde conteuse...

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L'ONDINE DE MORIMONT - 5ème partie - fin

Publié le par Patricia

Partie 6

Et c’est souvent ainsi qu’un conte se termine, mais celui-ci, pardon, a un rebondissement car ce chevalier avait une mère, beaucoup en ont, mais celle-ci n’était pas bonne. Elle détesta Mathilde dès le premier regard et chercha longuement comment briser le mariage, qui était fort heureux, car de jeux d’amour en jeux de lit, en jeux de vie, un bébé arriva, rose, joufflu et tendre. La vieille, qui était femme, voulut faire l’accouchement. Aucun fils ne s’oppose à une telle attention. La naissance terminée, Mathilde, délivrée, fit comme nous faisons toutes : somnoler un peu, enfin, délicieusement. La vieille alors se pencha vers le berceau tiède, prit le bébé dans ses mains et posa à sa place le petit, noir et tordu, d’une quelconque bête misérable. Puis elle jeta l’enfant par-delà le vitrail, aux douves du château où il s’enfonça sans résistance.

Le rejeton noir et tordu dans le berceau souleva l’horreur au château. « Cette mère est sorcière, disait-on, elle a porté au jour un fils de Satan, ébouillantons-la et tuons cet enfant ! »

On tua sans égards la pauvre bête noire et Mathilde fut traînée au-dessus du baquet fumant, elle cria là son troisième souhait. « Que vienne l’ondine ! » Et la dame apparut, gracieuse sur le rebord du baquet, le bébé rose joufflu et tendre dans ses bras et qui n’était pas plus noyé que vous et moi.

Le chevalier découvrit qui était sa propre mère et ne pardonna pas.

Mathilde et son beau chevalier et tous les enfants qui leur vinrent encore eurent une vie grande et forte, comme elle vient parfois à ceux qui ont beaucoup vécu.

On dit que ce sont ces deux-là qui s’installèrent plus tard dans le village de Rixheim, pour diriger de leur sagesse le Haut-Sundgau durant des générations et des générations et des générations…
 
la la lère la la li l’eau du baquet est refroidie,
la la lère la la li et mon histoire est finie.

À BIENTÔT !

la gaillarde conteuse

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