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Le jardin du 31 Mai

Publié le par Patricia Gaillard

Le jardin du 1er juin

Découvrir les fraises, rouge rubis sous les feuilles rondes dentelées, est toujours un émerveillement. La ligne commence par quelques pieds de Mara des bois et continue avec une très vieille variété, dont nous ignorons le nom et dont les fruits, rouge et vert, sont immenses. Cette fraise est quelconque crue mais divine en confiture. La vieille dame qui m’a donné cette variété de son vieux jardin était d’un proche village. Elle n’est plus de ce monde, aussi j’ai quelques douces pensées pour elle chaque fois que je les cueille. 
Vers le soir le jardin nous attire une dernière fois. Le soleil est couché et le jour s’amenuise. Étrangement nous baissons les voix et même la tourterelle, dans le sapin, déroule son roucoulement avec délicatesse. La fin du jour ressemble au grand âge, dans sa sobriété, sa simplicité. 
Deux plants de poivrons, un jaune et un rouge, que notre fille nous a procurés puis conservés durant cette période d’éloignement forcé, semblent heureux d’avoir enfin rejoint les places qui sont les leurs dans la serre à tomates. N’y a-t-il pas soudain dans l’air un parfum de ratatouille ? 
Mais non, c’est un effet de mémoire… ou prémonitoire…
En rentrant, je contemple un instant les branches gracieuses du mûrier et la blancheur de ses fleurs délicates.
Un petit arrosoir pour les jeunes pousses avec l’eau tiède du tonneau.
Une abeille passe, sa journée est finie.
Quiétude de la vie du jardin.

À bientôt ! 

la gaillarde conteuse...


                     

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Le jardin du 30 Mai

Publié le par Patricia Gaillard

 

Dans ce qui est vivant il y a un cœur. Le cœur de ce jardin est un arbre. Les arbres sont nombreux ici, bouleaux, érables, chênes, charmes, sapins, osiers, cornouillers, aubépines, noisetiers, sureaux, sans compter les fruitiers. Nous vivons dans une sorte de petite forêt. Mais c’est au fond du jardin, tout au bord de la rivière qu’il surplombe majestueusement, que se tient le frêne. Et je vous le dis, le frêne est le cœur du jardin. Je le sais car un jour, m’apprêtant à lire près de lui, je lui ai vu une très singulière lumière. Et le livre de ce jour était était L’intelligence des plantes...

Je l’ai photographié ce jour-là et j’ai compris. Depuis il est devenu un ami, que j’étreins chaque matin. Ma petite fille, à qui je racontais cette histoire m’a dit : 
« Grand-mie, tu es quand même un peu bizarre… » 
Ce à quoi j’ai répondu :
 « C’est pourtant ce qui est juste, le monde s’en rendra compte plus tard… »
Entre cet arbre et moi il y a une communication et moi qui suis si éprise des mots, de leur ordonnancement subtil, je suis capable maintenant de communiquer sans un seul mot, par d’autres canaux, que nous avons et que nous ignorons, comme beaucoup d’autres trésors.
Essayez, vous avez sûrement dans vos relations un arbre que vous aimez bien. Allez plus loin, entamez la conversation, ne soyez pas timide. Il y a tant d’échanges à établir sur notre terre, ne les négligeons pas, ne continuons pas à croire qu’il n’y a que nous.

À bientôt ! 

La gaillarde conteuse…              

 

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Le jardin du 29 Mai

Publié le par Patricia Gaillard

Le jardin du 29 mai


Dans la serre les gros choux-fleurs dorment au cœur de leurs larges feuilles épaisses et bleutées. Près d’eux, les tomates ont maintenant leurs fleurs jaunes. Ah les parfums d’une serre au matin ! Au potager, contre le carré d’aromatiques, se dressent en lignes pois et fèves, cette fois couverts de fleurs épanouies et de cosses naissantes. Les pousses des dahlias se déploient à vue d’œil, les soucis s’arrondissent, les jeunes cosmos étirent leur fine chevelure. Le grand cerisier est couvert de cerises noires alors que le petit griottier peaufine encore la teinte de ses joyaux. Le merisier, lui, se tient plus loin, près de la rivière, pour bien préciser son indépendance. Ses fruits font les meilleures confitures, est-ce le goût de la sauvagerie ? Les navets nouveaux sont durs, pas très bons et parcourus de galeries. Tout jardin qui se respecte a ses déboires. Nous nous rattrapons sur les brocolis, qui sont magiques, car vert émeraude quand ils sont crus, les voilà vert jeune mousse quand ils sont cuits… 
En revenant vers la maison, les pieds dans la rosée, je croise le tapis étoilé de campanules bleu-mauve. Une tuerie ! diraient mes petits-enfants…

À bientôt

La gaillarde conteuse…

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Mahaut à Arbois

Publié le par Patricia Gaillard

Marchons, lecteur, marchons, le crépuscule doucement s’installe dans mon Jura. Voyez là-bas, cette reculée. Au-dessus passe un faucon pèlerin. Autrefois favoris des rois, il est devenu rare à présent. Il trouve par ici un paysage idéal de falaises qui le protègent. Voyez sa silhouette trapue, gris bleuté, qui tombe à pic sur sa proie. Quelle vertigineuse rapidité. Nous arrivons près du village de La Châtelaine, aux alentours d’Arbois, dans des ruines si usées et si vieilles que les herbes peu à peu y reprennent leur place et recouvrent mollement les pierres alignées, derniers restes d’une grande demeure disparue, un château du moyen-âge. Restons dans ce décor, il va se réveiller, car je vous emmène dans une légende qui parle de Mahaut, celle-là même que Maurice Druon place au cœur de son roman « Les rois maudits ».

Mahaut épousa en 1285 Othon IV, seigneur de Salins et Comte palatin de Bourgogne. Elle avait acquis sur cette hauteur rocheuse un château du XIè siècle, qui devint un de ses nombreux logis, peut-être même son préféré. Sa fille Jeanne et sa petite-fille Marguerite y sont souvent et longtemps revenues. Les écrits, les légendes, les romans se contredisent et si les uns la racontent dure, cette femme, empoisonneuse et capable d’infinies cruautés, les autres la disent bonne, généreuse et donnant sans compter. Alors vous choisirez celle des deux pour qui votre cœur balance. Les récits qui vont de bouches à oreilles durant sept cents ans, ont des excuses quand ils s’égarent…

Mahaut venait souvent dans ce château perché sur ces paysages sauvages qu’elle aimait. Elle y demeurait parfois longtemps enfermée, ne se montrant pas même aux ouvertures, se tenant secrètement près de ses cheminées. Une bibliothèque était le joyau de ce château. Dans ce temps  si lointain il y en avait si peu. La sienne était précieuse. Dans une chambrette lambrissée, bien sèche et confortable, les manuscrits étaient rangés soigneusement dans des coffres, pour protéger leur beauté unique et fragile. Un de ses préférés était un roman courtois «  Les voeux du Paon » de Jacques de Longuyon, ainsi qu’un récit des voyages de Marco Polo et une Bible magnifiquement enluminée, achetée à prix d’or.

L’or, bien sûr, ne manquait pas… pas à elle.

Près du château était un hospice qui recevait des perdus, des malades, des miséreux. En ce temps-là les brasiers que contenaient les âtres et les fours  mettaient très souvent le feu aux boiseries et à la paille dont on garnissait les sols et le feu gagnait si vite qu’on a vu bien des êtres y mourir.

Cet hospice-là un jour, se fit dévorer par un incendie brutal. Tous ceux qui s’y trouvaient succombèrent après d’affreuses contorsions et des hurlements atroces. On dit que Mahaut assista à ce spectacle insoutenable du haut d’une fenêtre où elle se tenait immobile et très droite. Elle ne fit jamais rien pour envoyer de l’aide aux proies hurlantes qui s’effondraient, effroyables flambeaux ardents. 

De retour près de l’âtre où le feu bien tenu ne menaçait en rien son repos tranquille, elle s’assit devant le pupitre où elle avait laissé ouvert le manuscrit qu’elle lisait. Elle s’y pencha, sérieuse, quand elle vit une traînée de voile blanc et poudré dans un recoin obscur de la pièce. Une dame blanche se tenait là. A toute son allure, Mahaut impressionnée, reconnut tout de suite une dame surnaturelle, de celles qui courent sur les lacs et dans les bois, aux heures de la nuit. Elles sont nombreuses dans ce beau Jura sauvage où les brumes opalines que tissent les aubes, favorisent au matin leur retour vaporeux vers ces mondes d’ailleurs qui nous sont cachés.

Sans donner à Mahaut un instant pour parler, elle lui prédit un long corps de serpent… « Tu hanteras les lieux ruinés, les cabornes1 humides, les souterrains mystérieux, les eaux originelles. Tu y puiseras la force de la terre et des pierres. Le jour sera  trop clair à ton œil pénétrant, la nuit et sa moiteur recevront tes errances, tu garderas admirablement l’or du monde, enfoui pour l’éternité. Tu seras lumineuse, terrifiante, ailée quand il faudra et ton œil merveilleux sera souvent guetté par l’avidité des hommes…  »

La Dame fit un simple geste d’une main et Mahaut devint Vouivre.

La Vouivre est donc parfois une dame condamnée à l’errance sans fin.

On peut douter de tout cela, et sûrement le faut-il, mais le sillage d’attachante indécision qu’elle nous laisse, fait le charme de toute légende… Il arrive même que la réalité palpable nous laisse songeurs. Ainsi pour cette histoire, il y a un bien curieux détail…

A l’abbaye Royale de Maubuisson, où l’on a déposé le corps de Mahaut après sa mort, elle repose près de son père Robert II, alors que selon ses désirs son cœur a rejoint la tombe de son fils à l’église des Cordeliers à Paris. A Maubuisson, on peut voir son gisant en pierre noire. Elle est mains jointes, porte une couronne et ses pieds sont posés sur… deux dragons !  Le Dragon n’est jamais éloigné de la Vouivre. Parfois même ils ne font qu’un…

C’est singulier…

 

On dit que dans ce même château, plus tard

Un seigneur vieux, riche et avare

Fit fondre un jour tout son trésor

Pour en faire des quilles d’or.

Puis il les a si bien cachées

Que nul ne les a retrouvées

Certains dit-on s’y sont risqués,

Mais s’en sont vite retournés

Car un dragon  d’écailles d’or

S’y tenait et s’y tient encore…

 

L’aube se lève, laissons la Dame blanche s’éloigner dans la brume, le serpent ailé dormir au souterrain, laissons les quilles d’or au ventre de la terre et le cœur de Mahaut pleurer au sanctuaire des jours…

Entendez-vous ces cloches ? Elles sont d’Arbois. Voyez ces vignes, partout où le regard se pose…

« A Arbois, on y rit, on y sonne, on y boit »… quel programme ! Il faut dire qu’elle est la capitale des vins du Jura, ses vins sont connus depuis fort longtemps. Henri IV lors de son mariage, en 1600, fit boire à sa jeune femme du vin d’Arbois pour la rendre « gaillarde » ! Chaque rue de la ville mène aux vignes. Arbois doit son nom aux mots celtes ar bos, qui signifient terre fertile.

Et si l’on dit ici :

« Buvez tros coues devant la soi, tros coues pendant la soi pou la faire coisi et tros coues après pou la soi à venir » (Buvez trois coups avant la soif, trois coups pendant la soif pour la faire taire, et trois coups après la soif pour la soif à venir)

Je trouve cependant qu’il est bon d’être plus sage que cela car on dit aussi :

« Quand le vin entre, la raison sort »

Longeons le cours de la Cuisance, nous arriverons à Vadans. Ici se dresse un donjon, suprême témoin du château-fort d’antan. Une châtelaine d’une grande beauté a connu ici le même sort que Mahaut. La même métamorphose. Ou presque, car pour elle on ne parle pas de Vouivre mais de Mélusine. Serpente elle aussi, venue d’ailleurs, de loin, une cousine…

Mais nous voici à La Ferté, village qui ouvre le Val d’Amour. Quelques maisons bressanes et une abbaye dont il ne reste que le souvenir et une légende… que je vous raconterai tantôt…

La gaillarde conteuse !

 

 


1 caborne : grotte ou terrier de bête sauvage

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