Le Mardi des souvenirs 8
Les récréations dans les années cinquante...
Penchées sur les cahiers, les doigts tachés d'encre crispés sur le porte-plume, la langue pendante de concentration, nous tracions des lettres arrondies qui nous demandaient une grande attention. Nous attendions la récréation comme une libération. Quand la cloche sonnait nous nous levions d'un trait pendant que l'institutrice, d'un ton ferme, nous rappelait : "on ferme les encriers !" Il fallait obéir puis, laissant là cahiers et plumes, nous filions comme des diables, plus rien ne pouvait nous retenir. Nous étions une classe de filles. Une classe de filles dans une école de filles. Dans le même bâtiment, de l'autre côté, il y avait l'école des garçons et les classes de garçons. Je me souviens de ce bâtiment, ancien, plutôt beau et qui avait du cachet. Les deux cours de récréation n'étaient délimitées que par une rangée de pavés disposés en épis. La moindre incursion sur cette rangée de pavés nous valait un grand coup de sifflet pour nous rappeler à l'ordre.
Les jeux n'étaient pas du tout les mêmes des deux côtés. Chez nous il y avait les rondes, les cordes à sauter, la marelle, les formes que l'on donnait à une ficelle avec de savants jeux de doigts, les parties de cache-cache et puis des bavardages de filles, parfois une dispute, que quelques mots de l'institutrice suffisaient presque toujours à calmer.
Du côté des garçons, c'était bien autre chose. Ils se couraient après, tombaient, s'écorchaient les genoux, mais pleuraient rarement. Ils jouaient aux billes et parfois ils se bagarraient à coups de poings et de pieds et l'instituteur devait les empoigner pour les arrêter. Cependant les bagarres de garçons n'en faisaient pas pour autant des voyous, ça faisait partie de la vie, elles ne se terminait pas mal. Et un peu plus tard on pouvait voir les mêmes, bras dessus, bras dessous, qui riaient en reluquant les filles du coin de l'œil.
Et puis la cloche sonnait à nouveau et nous nous rangeons sagement pour retourner dans notre classe.
la gaillarde conteuse