HISTOIRES D'OR
J'aime particulièrement les récits qui proposent la transformation d'une matière vile en Or. Autant prononcer le mot d'Alchimie. Mais ici j'entends par Alchimie, "travail intérieur", celui qui transforme le plomb en or, celui qui brûle dans le creuset de la patience le bois dur des difficultés et des drames, pour en extraire la sagesse qui donne sens.
Bref, j'aime les Histoires d'Or. J'en ai quelques-unes, que j'ai écrites dans mon ouvrage de Contes et Légendes d'Alsace, ouvrage que l'on ne trouve plus.
Les jours de confinement qui sont devant nous, peuvent devenir des jours en Or
LA FLEUR D'OR
Il est une fleur dont le calice est une coupe d'or véritable et qui n'a, dans son coeur, aucun pistil ni aucune étamine, juste une clef dressée, qui semble ardente. Son arôme est puissant, entêtant et il réveille en celui qui le renifle d'irrésistibles joies. Cette fleur est un prodige qui éclôt une fois tous les cent ans. L'être qui saura la trouver, la cueillir, se verra d'un seul coup savant de tous les secrets de la terre et du ciel, de la sagesse et de la vie, et jouira d'une jeunesse éternelle.
Un berger l'a vue un jour, c'est ce que nous conte cette histoire...
Assis dans le tiède soleil, il contemplait les bosses, les plis, les roches du paysage étendu à ses pieds, ainsi que les petits villages nichés, aux clochetons pointus. Dans cette douce torpeur silencieuse il s'assoupit bientôt. Quand il se réveilla, il crut voir plus bas, sur un petit rebord herbeux, un minuscule gobelet d'or sur lequel les rayons de lumière dansaient en éblouissements brefs. Mais l'objet était une fleur, une fleur d'or, et il en montait une senteur suave à nulle autre pareille, un parfum étranger à tous ceux qui sur terre peuvent flatter nos narines, une odeur en tout point merveilleuse qui vous transporte l'esprit dans une joie suprême. Notre brave berger fréquenta ainsi, un court instant, les beaux jardins du paradis. Il lui fallait cueillir cette rareté, pour ne plus jamais la perdre !
Il se leva et, agile et rapide comme le sont ces garçons de montagne, dévala la pente jusqu'au rebord herbeux pour s'emparer du trésor. Mais un caillou rond sous son pied le fit rouler plus bas et heurta sa tête. Notre bienheureux en perdit connaissance.
Quand il se réveilla, le soleil l'inondait d'une chaleur rouge. Tout avait disparu ! L'odeur, la fleur et même ce bien-être exquis qui l'avait tenu entier dans son giron de rêve. Ah, il chercha longtemps, n'arrivant pas à croire qu'elle avait disparu, cette plante féerique. Pourtant plus rien ne restait d'elle et la nuit maintenant tombait. Le berger ne pouvait que rentrer.
Plus tard dans la vallée, attablé dans la ferme avec tous les commis, il raconta son aventure. Sa patronne, qui tranchait un gros pain sur le devant du vaisselier, leur raconta à tous - elle qui pourtant n'était pas bavarde - ce que son père, autrefois, disait : qu'il existait une fleur d'or, révélée au monde une fois par siècle, qui pouvait faire de l'homme le divin réceptacle de tous les dons de l'univers. Puis, sans plus de commentaires, elle fourra les tranches coupées dans un panier, qu'elle posa sur la table. La soupe de semoule grillée fumait dans les assiettes. Le berger n'avait pas faim, il était trop nostalgique de la curieuse rencontre et le pauvre ne savait même pas que sa belle jeunesse allait durer éternellement. Ceux qui étaient autour de lui ne savaient s'ils devaient l'envier ou le plaindre, ces choses étonnantes échappent tellement à l'entendement...
Allons amis, cherchons sans trêve cette clef qui nous ouvrira tout, ne laissons pas nos siècles s'écouler à douter
je vous embrasse, parce que je suis loin ;-)
mais le coeur y est !
la gaillarde conteuse...