LES NOIX D'OR
C'était une fin de journée d'automne. Le soleil encore chaud jouait avec les jaunes et les grenats des feuilles qu'un vent léger faisait tourbillonner. Une fillette trottinait le long des prés, elle était pauvrement vêtue et portait un panier d'osier. Partout les noix avaient déjà été glanées et soigneusement étalées dans les greniers du village. Mais la petite cherchait celles qui restaient encore cachées sous les amas de feuilles et dans les grosses touffes d'herbes, ou qui avaient roulé au creux des fossés. Elle en trouva peu, juste un bon fond de panier, mais comme il n'avait pas plu depuis longtemps elles étaient belles et le bois de leur coque était neuf et bien clair. Elle avait tant fouillé sous les noyers où restaient pendues quelques dernières feuilles racornies et presque noires, qu'elle fut surprise de voir le crépuscule installer doucement sa grisaille troublante. Serrant bien sa cueillette, elle se dirigea vers son village de Durstel.
Sur un sentier elle croisa un vieillard assis sur une borne. Il était très maigre, tout plissé de rides et portait une longue barbe grise et pointue, sur sa méchante tunique de chanvre. Il tendit la main vers l'enfant. Ses yeux étaient si doux que la petite s'approcha, souriante. Il disait avoir faim et reluqua, en se penchant un peu, les belles noix dans le panier.
Seul un pauvre peut savoir la souffrance d'un pauvre. L'enfant posa le corbeillon sur les genoux du vieux, celui-ci y plongea ses mains qu'il avait longues et en prit une généreuse poignée. Quand il rendit le panier, il restait trois noix. L'enfant en eut les larmes aux yeux, il n'y avait pas à regretter bien sûr, mais revenir avec trois noix !
Le vieillard lui dit :
"Ton bon coeur sera récompensé"
Sa voix était si douce que la fillette, de toute sa vie, ne devait l'oublier.
Elle poussa d'un grand coup la porte du logis, se jeta contre les genoux de sa mère qui, n'aimant pas la savoir dehors la nuit, fut toute soulagée.
La petite, désolée, lui tendit la corbeille, qui était aussi légère que quand elle l'avait emportée. La femme regarda la maigre récolte. Mais dans la pénombre rougie, devant la cheminée, trois noix d'or luisaient dans le panier. La femme et son enfant admirèrent, muettes, le fabuleux trésor. La petite raconta alors sa rencontre.
De ce soir-là leur vie devint bonne, jamais rien ne manqua.
Ainsi peut-être ce que l'on donne nous revient mille fois
à bientôt pour une autre histoire d'or !
la gaillarde conteuse...