Le Mardi des souvenirs 1
Le Mardi pourrait être un jour où, ouvrant l'armoire de ma mémoire, je pourrais choisir un de mes souvenirs, rangé, plié et vous le dire.
Aujourd'hui, vous allez rire...
Une soirée de fin de festival, à l’ambiance plaisante, devait se terminer par des tapas. Voilà qui était bien, je n’en avais jamais mangés. Bien sûr comme tout le monde j’avais déjà vu des vitrines de cafés où l’on pouvait lire « bars à tapas ». Mais cette nourriture, que je savais espagnole, me restait inconnue. Belle occasion donc d’agrandir la culture de mes papilles.
C’était ma foi agréable, de petits paquets frits, croustillants, en forme de rouleaux, de triangles, de rectangles, au poisson, aux crevettes, au fromage, aux herbes.
Quand arriva la carte des desserts, j’hésitai. J’avais mangé avec plaisir et je me demandais, à voix haute, si j’allais craquer pour ce plat sucré sûrement trop copieux… Mais quand même "Reims roses façon pain perdu» me faisait très envie. Ma chère voisine, conteuse aussi, qui se faisait à cet instant la même réflexion que moi, proposa de prendre ce dessert pour deux. L’idée était fameuse…
Et ce dessert arriva… Je crois bien que nous eûmes en même temps le même regard soupçonneux pour ce plat dont le nom avait été si prometteur, mais dont l’apparence était très décevante. Trois Reims, probablement roses à l’origine, semblaient ici de petits paillassons mous, aplatis et brunâtres, près d’une boule de glace à la framboise, qui osait être, elle, impudiquement rose. Après un instant d’hésitation, nos deux cuillères ont entamé ces biscuits dont le goût était tout aussi triste que l’allure. Nos craintes étaient donc fondées, le dessert ne méritait pas ce nom. Diable, il allait falloir se forcer un peu. L’adjointe à la culture avait remarqué les échanges discrets - et déjà gloussants - que nous avions au sujet de l’affaire. Elle nous murmura, facétieuse : « il faut manger la glace en même temps… » Pouffant de rire, nous avons mis son conseil en pratique. Mais oui, cette glace nous sauvait et son goût, pourtant assez banal, couvrait, cachait, enterrait la triste, molle et moite fadeur de ces pauvres biscuits. Ouf !
Nos rires ont gonflé et ont duré un bon moment, sans que personne autour de nous, sauf cette chère dame, n’ait pu jamais en comprendre le secret…
Je peux donc affirmer que les biscuits roses de Reims, si jolis pourtant, ne gagnent pas à être cuits.
Ils perdent leur craquant, leur couleur, leur saveur, autant vous dire qu’ils perdent tout.
Sauf la vertu de nous avoir fait rire, ce qui n’est pas mal du tout !
Etait-ce l’intention des fabricants ?
J’en doute…
Mais je propose que ce dessert soit vite rebaptisé «Reims roses, façon conteuses gloussantes»
Je nomme ma voisine conteuse marraine de ce baptême, car il y faut une fée…
j'ai, dans cette armoire, encore bien des choses à vous raconter...
la gaillarde conteuse