Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

43 résultats pour “Calendrier de l���Avent

Conte du 22 Décembre - calendrier de l'avent des contes

Publié le par Patricia Gaillard

LE SOULIER DU CURE DE CRANCOT

Au village de Crançot, où déjà on avait la fontaine de Conge, qui guérissait disait-on les maladies des yeux, on avait aussi un fameux curé. Il avait, avec les intempéries, de fraternelles conversations qui leur faisaient faire demi-tour, quand elles arrivaient mal à propos pour la terre ou pour les grains. Les paroissiens avaient fini par trouver très normal de voir s’en retourner les grands nuages noirs ou jaune sombre, qui menaçaient de lâcher là leurs grêles ou leurs pluies lourdes, ces choses violentes qui parfois tombent très mal.

Un jour qu’il était occupé à se vêtir pour dire sa messe, tout un groupe de villageois frappa à la porte de la sacristie. Leur curé les reçut. On lui parla d’un orage terrible qui venait à grand pas, et d’un nuage énorme, gris foncé avec un cœur jaune, signe de grêle, qui s’était quasiment planté sur le clocher.

Notre bonhomme sortit en courant, l’étole flottant derrière lui comme un long fanion blanc et arrivé sur le parvis, il se déchaussa d’un soulier, l’empoigna et le lança au ciel, en poussant quelques mots d’un ton autoritaire… le nuage, sermonné, quitta sa place en s’élevant comme une montgolfière et le ciel nettoyé, lissa son bleu de mer. Certains restèrent le nez en l’air un grand moment. Mais jamais on ne vit revenir la godasse magique… !

Ce jour-là la messe fut dite les pieds nus, qu’importe, elle fut dite.

 

Les éléments peut-être, aimeraient nous voir moins d’impuissance devant leurs menaces et leurs secrets ? Ne sommes-nous pas devenus terriblement timides et incapables de convaincre une petite pluie de tomber, ou de passer son chemin ?

C’est, bien sûr, une théorie de conteuse !

Cependant, … ce n’est pas parce que c’est impossible que nous n’y croyons pas, c’est parce que nous n’y croyons pas, que c’est impossible.

 

Je vous sens soudain rêveur.

Puisque nous parlons de chaussures… Savez-vous que les bergers russes, allaient sans chaussures à la première sortie de leurs troupeaux ? Ils disait qu’ils éloignaient ainsi les loups et les ours pour l’année.

Devinette : Sa taille est celle d’un lapin. Sa charge est celle d’un âne. La chaussure, bien sûr !

Et en écosse, si une paire de chaussures, même neuves, se trouvent sur une table, elle annonce de gros soucis d’argent.

En Italie, des chaussures qui grincent disent : « celui qui nous porte, ne nous a pas encore payées ! »

Les chaussures magiques courent le monde. Ainsi celles de l’ogre, qui sont des bottes immenses, qui font sept lieues à chaque pas et qui de plus vont très bien à tous les pieds qui s’y enfoncent, même ceux, si petits, du petit Poucet. Et ce soulier de fée que le prince a trouvé, que la jeune fille a perdu et qui de tous les pieds du monde ne reçoit que le sien ! Et puis il y a ce soulier de Crançot, qui peut-être, depuis ce lointain dimanche-là, court après les nuages et ne s’arrêtera que lorsque

le monde aura fini de tourner,

et nous de marcher

et de raconter

des histoires.

 

in CONTES ET LÉGENDES DU JURA - Patricia Gaillard - éditions De Borée - 2007

 

 

Partager cet article
Repost0

Conte du 23 Décembre - calendrier de l'avent des contes

Publié le par Patricia Gaillard

Ça c'est une histoire pour tous mes frères conteurs.
Pourquoi suis-je venue chaque jour vous donner une histoire ? Parce que je suis conteuse, parce que c'est l'hiver, parce que si on ne raconte pas d'histoires on perd de vue l'essentiel, les contes sont là pour nous rendre les clefs qu'on oublie,
Voyez plutôt l'histoire... 

LE MULOT CONTEUR

Trois petits mulots, un jour d’automne, reniflent autour d’eux… mmmm l’hiver n’est pas loin.

Jusque là ils squattaient un vieux nid dans la haie d’églantiers. Mais là, il faut être sérieux, ils se font un terrier, profond, avec une chambre et un grenier.

Dans la chambre on met de la mousse, des feuilles des herbes sèches, le tout finement haché, ça fait une moquette odorante et confortable…

Il s’agit maintenant de remplir le grenier.

Deux d’entre eux, du genre courageux, actifs et prévoyants, s’en vont chercher de quoi : des graines, des fruits secs, des champignons, des mousses, des escargots, des vers de terre, même secs, des mûres, ah oui les mûres, ils adorent…

Ils roulent, portent, traînent, roulent, poussent tout ça jusqu’au terrier, de nuit, tout en se méfiant des hiboux et des chouettes, des chats et des blaireaux, qui croquent très volontiers ces festins minuscules d’une vingtaine de grammes...

Le troisième compère se prélasse, rêvasse, sur un épais tapis de mousse, au pied d’un pommier sauvage dont les fruits ronds brillent sous la lune. Il contemple le turban du ciel bleu sombre piqué d’étoiles, il écoute les chants des nocturnes, il renifle les parfums de l’automne. Rien ne lui échappe de tous les frôlements, frissonnements, frémissements de la nuit. Il rêve, il médite, c’est un poète, un artiste.

Les deux autres, courageux, actifs, prévoyants, lui disent : t’es paresseux, t’es un lâcheur, t'es la cigale de la fourmi, tu ne mériteras pas de manger quand viendront la bise et les gelées ! Aide-nous !!

Il ne peut pas. C’est plus fort que lui.

Voilà l’hiver. Ils sont contents tous les trois d’avoir un bon abri. Le grenier est plein. Ils pourront même se permettre d’inviter parfois des mulotes à dîner.

Dans ce terrier, si on mange très bien, par contre on s’ennuie ! Les nuits sont longues. On sort un peu, mais on revient vite. Houla, trop de vent, de la neige et tous ces hiboux qui ont faim, c’est dangereux ! Heureusement on leur échappe souvent, on saute haut, on grimpe aux arbres, on abandonne dans leurs becs acérés le petit bout de sa queue et on est sauvé !

Alors on revient, on est content. Mais on s’ennuie !

C’est là que le mulot-poète se met à raconter le ciel, les étoiles, les pommes luisantes, les chants, les parfums, les frôlements, les frémissements, les frissonnements… toutes les choses qu’il a pris le temps d’entendre et de voir. Toutes ces histoires…

On l’écoute, à demi-couché, les yeux mi-clos, avec délice, les deux pattes croisées sur les ventres bien pleins.

Et à ce moment-là, à ce moment-là seulement, on se dit :
On a besoin de rêve, tout autant que de pain

 

Un conte de Patricia Gaillard, raconteuse d'histoires...

N'hésitez pas à me chiper cette histoire pour la raconter, car elle dit bien ce que nous sommes, je vous l'accorde avec grand plaisir !

 

 

 

Partager cet article
Repost0

Conte du 16 Décembre - Calendrier de l'avent des contes

Publié le par Patricia Gaillard

Ce matin un récit que je dédie à Alep, où il s'est déroulé. J'ai conté en Syrie, en 2004, pour les journées de la Francophonie. Pouvais-je alors imaginer ce qui lui arrive ? Je suis triste, infiniment, et choquée par notre étrange impuissance qui désunit l'humanité.
 

Pour Alep,

LE VIEUX TEINTURIER

Les souks d’Alep, en Syrie, sont, depuis des temps immémoriaux, les plus beaux du monde. Une kyrielle de ruelles étroites et obscures. Au sol il y a la terre, battue par la multitude des sandales et des babouches. Parfois aussi ce sont des dalles de pierre calcaire, rectangulaires… irrégulières, usées, aplaties, même creusées par endroits.
Et puis cent et cent petites boutiques, côte à côte, simplement murs ouverts, béants, en niches à merveilles. Ou bien encadrées de bois peint ou noirci ou découpé, ou décoré, mais vieux, c’est vieux, ça n’a pas d’âge, ça a toujours été.
D’ailleurs l’aspect de la boutique n’a aucune importance. Le trésor, c’est les marchandises.
Et c’est dans chacune de ces cavernes obscures, envoûtantes, éclairées juste un peu par une ampoule électrique sommaire, que brille, ou chante, ou embaume, tout ce que notre fantasmatique imaginaire occidental peut se représenter d’Orient…
Les souks d’Alep sont, depuis des temps immémoriaux, les plus beaux du monde !
Je pourrais vous les décrire, avec des mots choisis, pesés, fidèles à ce que j’y ai vu.
Non, je vais vous raconter un trésor que j’y ai touché de l’âme.
C’était une boutique encadrée de bois peint, un noir mat, frappant, mortuaire, en tout cas mystérieux. Mais l’atmosphère n’était pas lourde, oh non, tout était silencieux et calme.
Je n’aurais pas été étonnée d’y voir soudain des cornues, des alambics et des relents de philtres sulfureux ! Un homme y était assis. Il était âgé, très noble, ses cheveux ondulés étaient gris nacré. Il portait un costume noir mat, toujours ce noir mat. Veste à l’européenne et pantalon sarouel du même tissu. Une chemise sans col, de toile très fine, couleur crème. Sa cheville, fine couleur d’épice était nue au-dessus des babouches. Il était royal cet homme. Je l’ai regardé, il m’a regardé, je n’ai jamais vu un tel regard. Royal aussi, mais d’un roi intérieur. Il n’a pas fait de geste pour me faire approcher, pour me faire l’article. Impossible d’échanger des mots. Quelle importance. Le silence avait sa place. Silence ailé, silence d’or.
Autour de lui il y avait des pots, des pots, des pots, des tiroirs, des tiroirs, plein de petits tiroirs… une apothicairerie, peut-être ? Devant lui un bout de comptoir. Noir, vous le savez. Et sur ce comptoir une seule chose : un livre. Très épais, très vieux, pages crème, couverture noire, noire, livre sacré, peut-être ?
Il l’ouvre pour moi. Et dans les pages qui tournent, très lentement, sont alignés des fils de couleur. Ces couleurs semblent jaillir comme une musique dans tout ce noir partout, autour. Et ce noir devient berceau, écrin, scène des teintes pliées dans le livre. Sa main lisse les fils, fièrement, puis il empoigne un pot, soulève le couvercle : poudre rouge sang. Des teintures. Il est marchand de teintures. Teintures pour tissus, tissus d’Alep, tout l’orient tissé. Maintenant il sait que j’ai compris. Pour moi il tourne les pages et me présente ce chant de couleurs. Mes yeux vont des fils aux doigts, aux yeux. Noir, poudre sang, la couleur, l’or ! Dans ses gestes, toute sa vie de marchand de teintures et moi invitée à visiter son royaume.
Nous ne nous sommes jamais rien dit. Puis à la fin du livre, pour le remercier,  je me suis inclinée, pour lui dire ce mot que je tâchais d’apprendre depuis que j’étais là-bas, « Mahalsélêmé » qui veut dire « que la paix soit avec toi… »
Après un instant d’étonnement ravi, il s’est incliné à son tour pour me répondre ce même mot « Mahalsélêmè » que la paix soit avec toi…
La plus belle chose de nos vies c’est la rencontre des êtres.
Et le silence est peut-être la seule parole qui soit vraiment la nôtre.

Patricia Gaillard - à Alep - Mars 2004

 

Partager cet article
Repost0

Conte du 17 Décembre - calendrier de l'avent des contes

Publié le par Patricia Gaillard

Des pommes... À son origine le sapin de Noël était décoré de petites pommes rouges de la dernière récolte. On raconte qu'une année sans fruits, des souffleurs de verre vosgiens ont eu l'idée de faire des pommes en verre, qui seraient l'origine de ces boules de Noël - qui sont encore parfois de cette matière fine et fragile - que nous y suspendons aujourd'hui... 
Des pommes... j'ai à leur sujet des choses à vous dire, voyez plutôt


DES POMMES, DES POMMES…

Dans mon Jura, bien sûr, on connaît les pommes. Quel jardin de chez nous n’a pas un ch’ti pommier ! Des pommes, celle des moissons et puis la croque, la grise, vieilles variétés charmantes et parfumées, un peu petites, avec quelques défauts, mais quel vrai goût de vraie pomme ! Plus on avance dans l’hiver, plus elles se ridulent, plus elles sont savoureuses. La pomme c’est un fruit de partout. C’est le fruit du début, le fruit de la connaissance, le fruit des fruits.

Connaissez-vous la pomme de discorde ? Imaginez un peu une fête chez les dieux de la Grèce antique. Pleine célébration de noces. Soudain, Eris, fille de la Nuit, lance une pomme dans cette divine foule. Sur le fruit, trois mots sont gravés…
« à la plus belle ».

Trois déesses se penchent d’un même mouvement pour ramasser la pomme. Mais Pâris, le beau Pâris, les prend de vitesse.
« Laquelle de vous trois est la plus belle ? », lance-t-il, malicieux, aux trois créatures surnaturelles et vexées.

La première d’entre elles, Héra, est prête à offrir à Pâris le pouvoir sur le monde, en échange de la pomme.

La seconde, Athéna, lui promet la sagesse.

Aphrodite parle en dernier. Elle lui propose Hélène, la plus belle des mortelles, contre cette pomme qu’il détient. Pâris accepte le marché d’Aphrodite. Celle-ci reçoit la pomme. C’est elle la plus belle. Mais cette pomme est vraiment de discorde car l’affaire ne s’arrête pas là, puisqu’elle marque le début de la guerre de Troie.

 

Les Celtes, nos anciens, avaient un autre monde, qui se situait en-haut, dans nos îles imaginaires ou en-bas, dans les profonds dessous de la terre. On y trouvait la jeunesse éternelle dans des eaux pures et diamantines et un pommier de cristal dont les fruits guérissaient toutes les formes de la douleur.

 

Quant aux médecins Romains, ils utilisaient beaucoup la pomme. Écrasée, puis macérée avec de la sueur de brebis et des clous de girofle, elle donnait une
« pommade ». Si nous utilisons encore ce nom, nous ne suivons sûrement plus la recette !
Avis cependant aux amateurs d'authenticité...

 

Encore un petit tour chez les antiques Grecs. Le dieu Atlas avait trois filles, les Hespérides. Elles possédaient un jardin prodigieux où se trouvait le pommier aux pommes d’or. Ce pommier était gardé par un Dragon. L’animal avait cent têtes, si bien que rien ne pouvait lui échapper. Le pommier était donc très bien gardé. Pourtant le dieu Héraklès parvint à tuer ce Dragon. La bête alors se décomposa en une brume étincelante, et monta jusqu’aux cieux où elle devint la constellation du Dragon.

Les Hespérides donnèrent alors les pommes d’or à Héraklès.

 

En tout cas n’oubliez pas :

Pomme le matin chasse l’ennui,
Pomme le soir chasse l’insomnie.

Mais aussi…

Chaque soir mange une pomme et ses pépins et tu dormiras comme un saint.
Et... Une pomme par jour éloigne le médecin pour toujours !

 

Passez une très douce journée

 

in CONTES ET LÉGENDES DU JURA - Patricia Gaillard - éditions De Borée - 2007

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0

<< < 10 11 > >>