L'ONDINE DE MORIMONT - 3ème partie
3ème partie
gravure collection personnelle
Quelques années plus tard le château fut pris et brûlé. Tous y périrent sauf la petite Mathilde qui réussit à s’enfuir, emportant sa chère pomme dans un foulard noué. Elle devint servante dans un autre château et la pomme soigneusement rangée dans ses rares affaires était ridée et si rapetissée que la croire magique devenait impossible. Et Mathilde avec le temps se disait que l’ondine était peut-être, sûrement, une illusion d’enfant. On pense souvent les choses ainsi. Une fois son travail terminé, elle montait à une échelle et filait au grenier où était sa paillasse. La pomme était cachée dessous, à peine grosse encore comme une noix et presque sans couleur. Mais celui qui se fie aux apparences est un vrai sot.
Un jeune chevalier de ce château, désirant se marier, annonça une grande fête, invita les jeunes filles. Mathilde se prit à rêver. Ce chevalier, elle l’avait tant de fois remarqué, mais comment aller à ce bal en haillons de servante ? Ce soir-là au grenier l’ondine lui revint en mémoire, sa voix, sa robe, la pomme. La pomme… elle la sortit de dessous sa paillasse, la trouva terriblement réduite, la prit pourtant dans ses mains et avec un grand respect elle chuchota : « Je voudrais une robe juste faite pour moi… ! » Aussitôt sur le matelas de paille apparut une robe aussi incroyable que l’avait été la robe de l’ondine dont Mathilde se souvenait fort bien. Frappant des mains, sautant de joie, la jeune fille l’enfila… eh bien c’était du sur-mesure, comme ni vous ni moi n’en avons jamais vu ! Du voile vert lichen, des perles végétales, du lin fin et mat, des boutons de cristal, des petits plis rangés comme aux fraises royales, des soies douces et moirées, une beauté, un régal, je ne saurais tout dire… Elle fit son effet et c’est peu dire. Chacun dans son geste s’arrêta net, le chevalier surpris, ravi, ébloui, se dit : « C’est elle ! » Et c’était bien le cas.
Ils dansèrent en silence. Autour d’eux les bouches se taisaient, même les pieds frôlaient à peine le parquet, l’émotion était grande.
A minuit on entendit une horloge tinter, le silence creva comme une bulle de savon : la belle avait disparu. Le chevalier en fut si désolé qu’il annonça une deuxième fête pour le lendemain. Peut-être viendrait-elle, cette femme rêvée dont il ne savait rien.
À DEMAIN...
la gaillarde conteuse