Le jardin du 17 Septembre

Publié le par Patricia Gaillard


 

Le jardin du 17 Septembre

 

Aujourd’hui est le jour anniversaire de la mort de Hildegarde von Bingen. Pourquoi choisir cette date plutôt que celle de sa naissance ? Car je suis convaincue que Hildegarde n’a jamais disparu, du moins par l’esprit et qu’elle est toujours, d’une certaine façon, parmi nous.
Donc aujourd’hui 17 Septembre, fête hildegardienne au petit domaine !

Déjà la photo est inhabituelle et notre jardin aussi. C’est la fête !

Soyez très bienvenus, installez-vous où bon vous semble, je vais vous servir une boisson faite d’eau de source et de fraises servie avec les biscuits de la joie de Hilde.

Puis je vous raconterai une histoire où il est question de filer l’ortie pour en faire un fil très fin et délicat. Elle se déroule au moyen-âge cette histoire, au temps de cette Dame naturopathe, un temps à la fois riche et singulier. Mais quel temps, après tout, n’est pas riche et singulier ?


Voici ce que dit Hildegarde de l’ortie

LA FILEUSE D’ORTIE

 

C’était un seigneur cruel et sanguinaire, tous sur ses terres le craignaient, jusqu’aux bêtes. Je ne connais pas son nom, mais je sais qu’à voix basse on l’appelait le loup. Ce jour-là il chassait le sanglier, il en était suant, haletant, sur son cheval noir qui galopait dans le bois. Soudain il arrêta la bête d’un coup, il venait de pénétrer dans une clairière où une belle et jeune paysanne filait le chanvre en chantonnant. Et aussitôt, là, devant cette fille éclairée par un rayon de soleil qui coulait sur elle en cascade d’or, il se mit à brûler d’une passion qu’il n’avait encore jamais connue. Elle leva les yeux de son ouvrage, le regarda calmement pendant que lui, de sa voix forte, lui donna ordre de quitter ces bois et de le suivre en son château. Mais la jeune fille lui répondit avec douceur et sans trembler que son cœur était déjà pris et qu’elle allait se marier bientôt, s’il lui en donnait la permission, bien sûr. Le loup ne connaissait pas la résistance, on le craignait tellement, mais cette fois sa peine dépassait sa colère et le déconcertait. Il s’entendit dire :

« Il y a des orties le long du mur du cimetière, tu les cueilleras, les fileras, les tisseras et de ce tissu tu feras deux chemises. La première sera ta chemise de noces, la seconde sera ma chemise de mort. »

Puis il battit son cheval d’un dur coup de botte et leurs silhouettes noires disparurent peu à peu dans le fond du sentier.

La fille était bouleversée. Comment filer des orties et comment imaginer la mort de ce seigneur, cruel certes, mais si jeune et si fort.

Mais elle lui obéit, partit récolter les orties, les fila aisément comme si elles se filaient toutes seules, puis en fit, sans défaut et sans noeud, un tissu fin et très doux dans lequel elle fit d’abord la chemise de ses noces. Puis, l’ouvrage terminé, elle commença la chemise de mort de son seigneur. Mais dès les premiers instants de son patient travail, le loup dans son château fut pris d’un étrange malaise qui lui fit le souffle court et le corps engourdi. Plus l’ouvrage de la fille avançait, plus il faiblissait. Il envoya alors un de ses hommes dans les bois pour la tuer. Celui-ci tour à tour la noya, la jeta dans un gouffre, mais toujours elle revenait, fraîche et se penchait à nouveau sur l’ouvrage. Cet homme prit les chemises, les brûla, les déchira, mais toujours elles revenaient, fraîches, près de la fille, qui se penchait à nouveau sur l’ouvrage. Quand l’aiguille piqua le dernier point à la chemise, le loup rendit l’âme en son château. Le lendemain, la noce et les funérailles se croisèrent au même instant. La dépouille du loup, dans sa chemise blanche, longea le mur du cimetière sur les épaules de quatre solides gaillards qui ne pleurèrent jamais sa mort, pas plus que ne pleurèrent tous les autres...

Mort d’amour, c’est honorable je trouve, et poétique même, pour un seigneur qui a sûrement une ardoise bien chargée sur le dos.
Comme quoi, la grâce ne choisit pas forcément les gracieux

Et c’est tant mieux 

Car c’est cela que j’aime dans les contes

 

Mais dites-moi, Hildegarde dans son couvent était à l’abri des seigneurs, des noces et des chemises à filer. Si un monastère paraît austère, c’est une vie qui a aussi du bon. Quoique, certains religieux ont fait de Dieu un seigneur du genre de celui-là !

Mais passons, le lieu n’est pas aux polémiques, ta ta ta, c’est la fête !

Merci à vous d’être là 

 

la gaillarde conteuse

 

 

 

 

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