Le jardin du 29 Octobre

Publié le par Patricia Gaillard

Le jardin du 29 Octobre

Aujourd’hui sent Novembre arriver, ses petits matins mouillés, ses brumes de lait et ses dernières noix qui roulent dans les sentiers. 

Novembre... cette halte de la nature qui a donné tout l’été fruits et fleurs en abondance et qui, dame qui a vécu, dame exténuée, s’arrête soudain et murmure « je n’en peux plus…allons, il faut mourir, il est temps… »

Alors vite elle se colore, comme les parisiennes qui se maquillent le matin dans le métro, elle enfile rapidement une robe ocre, un manteau carmin, un gros châle marron et vert, un peu froissé et elle se dit : « il faut que je dise encore quelques mots aux Hommes, avant de les abandonner un certain temps »

Novembre... Certains jours ils arrivent à être beaux, ces corbeaux qui traversent l’air de leur vol mal gracieux, corbeaux malhabiles, corbeaux épais et noirs.

Novembre... poésie, lenteur, observation douce de la vie, quand nous nous resserrons dans les maisons chauffées, pendant qu’une femme court les chemins, hume les parfums. Sa silhouette se perd à l’horizon, une femme d’automne qui rejoint sa saison.

Il y a dans les fossés des petites fleurs maigrelettes avec des colliers de rosée, on dirait des vieilles dames attifées pour une noce. Là-bas d’anciennes scabieuses sans couleur font un bal dans un pré au beau milieu des herbes au dos courbé mouillé. Les clématites sauvages et leurs graines chevelues font des personnages légers, des elfes aux corps maigres, petit public serré et discret dans ce paysage. Les églantines éclatent en touffes hirsutes et brunes, on dirait des diables dépliés de leurs boîtes : mais où cela tenait-il ? comment tout replier ?

Les pommes rouges nous parlent de naissance du monde, les chrysanthèmes font aux tombes des jardins joyeux.

Novembre... Bien sûr il fait encore tiède parfois, l’herbe paraît encore tendre, mais les feuilles sont presque toutes tombées et leur tapis froissé roule dans le souffle du vent et les oiseaux se disputent allègrement les baies rouges et juteuses dans les haies. Mais soudain, vous verrez, de quelques gelées blanches, le temps va nous ôter cette mère aux larges hanches qui nous donne son vert tout au long de l’été. Elle marche fatiguée dans l’aube de novembre, une façon gracieuse de cacher son finir sous la poudre de brume qui lui fait un subtil manteau de cristal, le dernier vêtement avant le gel, qui achèvera tout ce qui fâne et collera sur les chemins le brou des noix.

Novembre est son soupir. 

Novembre... Retirons-nous sans bruit dans nos basses chaumières parfumées et douillettes et laissons dans les plis et replis de cette vieille mère, se composer lentement, caché, miraculeux, le prochain printemps.

 

Je vous souhaite d’aller bien et d’être en joie

quoiqu’il en soit 

 

la gaillarde conteuse

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