Le Mardi des souvenirs 10

Publié le par Patricia Gaillard

Image MonicaVolpin - Pixabay

Maroc, la place Djemaa El-fna, un soir dans ma mémoire...

Le soir ils s'endorment où ils sont. Leurs yeux entrouverts brillent du rouge chaud et vibrant du soleil qui s'en va. Ça sent l'huile, l'orange, le crottin de mulet et le thé à la menthe.
Ils sont bercés par les derniers couinements d'un singe en veston juché sur le ventre gras de son maître qui ronfle.

Bercés par la respiration lente et douce de la petite, toute petite, qui s'endort, le bout du sein de sa mère dans sa bouche entrouverte. Son frère près d'elle, ses yeux noirs grands ouverts, suçote comme on tête, le sucre d'une datte brillante.
Bercés par le murmure de deux ou trois hommes qui font un jeu avec des fèves et qui, gagnant, perdant, ont le même sourire trop grand, trop blanc, comme un palais de porcelaine dans un fouillis de ruelles obscures.
Bercés par le chant priant et rauque du marchand de fruits qui déroule sa natte devant ses cageots usés. Il est sûr de ne dormir que d'un œil, pourtant l'autre n'a jamais vu et ne verra jamais la main discrète du voleur aux yeux brillants qui prend un fruit chaud, lourd, juteux, pour épouser sa faim.

Et dans ce bonheur sucré, Dieu qui passe par là, cueille une goutte mordorée qu'il glisse sous la paupière fermée du marchand, qui maintenant navigue dans un rêve de bienheureux.

La gaillarde conteuse 

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