Le Mardi des souvenirs 16
Au bout de ma rue Voltaire il y avait l'immense église, en grès rose d'Alsace. Je la connaissais bien pour jouer à cache-cache dans les nombreux recoins des murs et des portes. Je la connaissais aussi car parfois j'y entrais, intimidée par cet espace grandiose, par ce silence, cette odeur d'encens refroidi. J'y sentais le mystère et la tranquillité. Les cloches rythmaient nos existences et parfois leur chant me manque. Les messes me plaisaient bien moins, j'y accompagnais de temps en temps mes copines, mais il n'y avait plus alors ce que j'y trouvais seule. Et puis les prêtres me faisaient peur, leur sévérité, leur sérieux, leur croix sur leur soutane. Ils étaient nombreux dans la paroisse, mais un seul d'entre eux m'a laissé un souvenir ému. Il s'appelait l'abbé Ringenbach. Un homme trapu, en soutane usée, qui se déplaçait en moto et qui était constamment soucieux d'autrui. Pour nous les enfants, il était carrément merveilleux. Tous les Jeudis, dans une petite salle de la paroisse, nous étions ses invités. Il nous projetait, sur un petit écran blanc, les aventures de Sylvain et Sylvette en diapositives. Il nous lisait les bulles et nous adorions ! C'était notre cinéma. Brave homme, qui a sauvé ma foi enfantine, quand ses collègues ne m'inspiraient pas... A quinze ans j'ai quitté le quartier. Je regrette maintenant de n'être pas retournée le voir, l'aider peut-être un peu dans tout ce qu'il faisait pour les autres.
C'est étrange comme la bonté des êtres d'autrefois nous apparaît quand l'âge avance.
Il y a tant de personnes qu'on aimerait remercier s'ils étaient encore de ce monde.
Empressons-nous de remercier ceux qui en sont encore !
la gaillarde conteuse