Le Mardi des souvenirs 19
Enfant je longeais ma rue Voltaire vers l'église, puis je tournais à droite pour aller vers ma chère librairie. Je passais alors devant le chiffonnier. (Entendez ici la personne et non pas le meuble.) C'était une grande cour longue, derrière un haut portail de fer ouvert. On y voyait des ballots de journaux, des bacs remplis de bouteilles de verre, des amoncellements d'objets métalliques de toutes sortes et des gars, en finettes sales, pantalons gris et vieilles godasses, qui s'affairaient à un tri constant. Le patron du lieu ne se distinguait que par son ton d'autorité. De temps en temps deux d'entre eux prenaient un vieux camion et parcouraient la ville en criant : vieux métaux ! peaux de lapins !
Ils revenaient plus tard, le camion chargé.
Mais quand on déposait ici bouteilles, métaux, journaux, peaux de lapins (car en ce temps-là on achetait les lapins entiers) toutes ces choses étaient pesées et valaient quelques piécettes bonnes à prendre.
Quand on passait devant le chiffonnier, on était pris au nez par un parfum mêlé de vieux papier, de bière, de fer, de vin et de charogne. Un monde à part...
Le tri existait donc déjà. La grande différence, c'est qu'on avait peu de choses à trier, dont aucun plastique.
la gaillarde conteuse