Laissez-moi vous conter une histoire pleine de charme, qui m’est arrivée il y a peu.
J’aime bien fréquenter les brocantes, à la recherche d’objets surprenants, par leur originalité ou leur symbolisme, et mon atelier en est garni, ce qui lui donne une ambiance particulière, de cabinet de curiosité ou d’antre d’alchimiste... C’est ainsi que j’ai dégoté, jeudi dernier, une pendule murale. (voir la photo) L’objet allait convenir à merveille, mais il fonctionnait avec des piles, je n’avais donc aucune garantie sur son fonctionnement. Qu’importait, elle me plaisait, c’était déjà suffisant, et son prix était modique.
Rentrée chez moi, je l’ai chargée des piles nécessaires. Eh bien elle ne fonctionnait pas. Bon. Je l’ai provisoirement accrochée à cette poutre où vous la voyez, et je suis partie vaquer à mes occupations. Un quart d’heure plus tard je l’ai entendue émettre un tic tac discret, et la trotteuse allait bon train. Elle était donc en état de marche.
Bien.
Mais...
Elle faisait tic-tac, oui, un tic-tac merveilleusement régulier. La trotteuse, fine, rouge et pointue obéissait à ce rythme et avançait docilement. Mais les deux aiguilles noires restaient d’une totale immobilité... Déçue, agacée, j’étais contrariée, bêtement, comme on peut l’être dans notre monde par une pendule qui jamais ne ferait son travail, qui était d’indiquer la manière précise dont le temps passe...
Heureusement mon âme, fréquentant à ses heures vives le huitième circuit, m’a soufflé derechef une vision différente.
Mais bien sûr... Tant d’êtres me disent que chez moi le temps semble être arrêté, et j’attends d’une pendule qu’elle mesure l’immesurable !
La pendule que j’ai trouvée ce jour-là est celle qui m’attendait, la seule acceptable ici, la seule qui aille, la seule au monde à égrener inutilement des secondes illusoires, sans en être le moins du monde affectée dans son magnifique, définitif et divin fonctionnement.
Une pendule magique.
La pendule de mon atelier.
La pendule du temps qui n’existe pas.
Trop bien.