Le Chevalier Dormant - Partie 6
Partie 6
La lutte fut terrible. La bête était puissante. Sa peau écailleuse suintait d’huile noire, son regard malfaisant réveillait l’épouvante, les flammes orange et vertes qu’elle vomissait grillaient les branches d’un tilleul vénérable penché juste au-dessus, ses dents cinglantes et acérées étaient des lames de porcelaine.
Le jeune homme pensa s’être enfoncé trop loin dans l’audace. Cependant le vêtement le rendait intouchable et rien de ce feu dévorant et des morsures vives ne l’atteignait. Le monstre ouvrit alors une gueule béante sur une gorge noircie comme un couloir d’enfer qui enserrait déjà Wolfdietrich tout entier. Rassemblant son comptant de force dans un formidable élan, Wolfdietrich fendit en deux, de l’intérieur, l’immense corps visqueux et hurlant. Il était recouvert du sang de la bête quand il sortit, vainqueur, sur la large langue fourchue déroulée de tout on long, comme un gros tapis rouge…
Le sang d’un dragon – bien des récits nous le disent – rend invincible celui qui en est inondé. Mais une feuille tombée du tilleul s’était collée sur l’épaule du combattant. À cet endroit seulement il demeurerait vulnérable. Quelques gouttelettes de ce sang avaient roulé entre ses lèvres, irriguant toute sa chair, y faisant des miracles. Son cœur alors s’ouvrit pour la première fois, bon et parfumé comme un jardin de fleurs et des mémoires souterraines, enfouies depuis longtemps montèrent dans son esprit, apportant avec elle la connaissance des sentiments humains et celle, aussi, du langage des oiseaux…
À DEMAIN…
la gaillarde conteuse