L’AMOUR DES TROIS ORANGES (1ère partie)

Publié le par Patricia Gaillard

L'amour des trois oranges - 1ère partie 

Laissez-moi vous raconter l’histoire étrange
D’un chemin vénérable et éternel
Qui s’appelle depuis des siècles et des siècles
L’Amour des trois Oranges…

Comme souvent dans les contes, c’est au cœur d’un royaume que nous sommes invités. Voyez ce roi, cette reine et leur fils, agréable à l’œil, adroit de son corps et puis instruit de tout. Cette histoire commence sur un carré de jardin, juste devant le château, où le prince joue au bilboquet. Il n’est plus un enfant, mais il n’est pas un homme. Ses jambes longues et maigres sont de grenouille, sa grâce enfantine disparaît à grands pas devant une rudesse neuve et si grinçante encore que la reine certains soirs se cache pour pleurer. Bien des reines parmi vous comprendront. Bref, il était pour tout dire, sur la charnière gracieuse et maladroite de la métamorphose. 
C’est un paysage doux, un beau garçon qui joue…
Soudain, surgie comme une image, une vieille inconnue penchée, racornie, passa très près de lui. Un fichu noir bordé de dentelle miteuse couvrait sa tête et dans ses doigts maigres et pointus elle serrait un pot. Le prince tout occupé à tendre la pointe vers la balle de bois qui descendait ne vit rien de tout cela. La boule heurta le pot, son huile se répandit, précieuse et grasse, sur le tablier gris. Le jeune homme rougit et la femme aussitôt siffla d’affreuses paroles déjà toutes tissées et termina en criant, la bouche amère : 
« Toi, tu ne seras plus heureux un seul instant, tant que tu n’auras pas trouvé l’Amour des trois Oranges… ! » 
Elle se volatilisa sans même attendre de réponse, comme si l’air l’aspirait dans son grand manteau tiède…
A l’instant même, le prince glissa, le regard trouble, dans ce monde de tristesse infinie où la joie, les rires, les plaisirs ne savent s’inviter. La reine s’affola, lui fit des chocolats, des pâtisseries, des fêtes, commanda les ménestrels les plus joyeux de la contrée. Mais rien n’amusa le garçon. Elle appela en secret sans rien en dire au roi, deux ou trois rebouteux réputés merveilleux, qu’elle connaissait déjà pour leur avoir confié quelques fois ses maux de femmes que le médecin du roi soignait, vexant, en souriant. 
Ces  « leveurs » firent un concours de danses de pendules, de plantes en tisanes, en vapeurs, en rosée, en cataplasmes, en inhalations, en fumigations affreusement odorantes, ou en gerbes séchées posées sous le matelas. Le prince toussa terriblement, la reine sautilla : « Le mal s’en va ! ». Mais elle se ravisa. Rien, on le voyait trop bien, ne soulageait le spleen du jouvenceau. Son père enfin vint à sa chambre, s’étonna de l’odeur qui régnait dans le lieu,  offrit à son fils une épée, un modèle rare, unique, que l’enfant bien souvent sans rien dire, convoitait d’un œil allumé. Il lui fit même cadeau de son meilleur bouffon, que le garçon trouvait, avant, irrésistible. Et puis des parties de chasse, des tableaux. Mais rien ne savait extraire cette mélancolie. Le jeune homme ne mangeait plus, ne dormait plus et ne parlait plus que pour dire :
« Qu’on me laisse chercher l’Amour des trois Oranges.
- Il divague, disait le roi.
- Je compte sur toi, dit la reine, pour l’empêcher de partir, avec ces délires dans sa tête et dans l’état de faiblesse où il est, c’est sûr il va mourir. »
Ah ! Mourir, c’est vrai, il n’en était pas loin. Et toujours et sans cesse répétée, cette envie de partir. Une envie mangeante, rongeante, obsédante. Il ne lui restait plus qu’un bout de vie. Le reste lui fut rendu tout et d’un coup, quand il décida de partir, un matin, à cheval. Il prit au hasard la route vers le Midi. Il voyagea des mois, des années, traversa mille paysages. Un jour il arriva, amaigri, assoiffé, dans un très grand désert. Une cabane était là, posée comme un mirage, sur le sable brûlant. Il frappa à sa porte qui résonna, une porte véritable. Une vieille se montra.
 

à demain ! 

la gaillarde conteuse...

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :