Le jardin du 11 Août
2 - LE POMMIER DE MISÈRE
(version de Patricia Gaillard)
...Ma bonne misère je vais pour te remercier exaucer un vœu. Que désires tu ? »
La vieille était si étonnée qu’elle ne dit rien et resta la bouche ouverte...
« Veux tu du blé plein ton grenier ? Veux tu du pain plein ta huche ? Veux tu être duchesse ? Veux tu être reine ? Veux tu des trésors ?
-J’aimerais, dit timidement misère, protéger mon pommier qui me fait des fruits si beaux que les garnements me les volent. Si vous pouviez faire en sorte que quiconque montera dans mon pommier ne puisse plus en descendre sans ma permission, voilà qui m’arrangerait bien »
L’homme sourit, salua la vieille et s’éloigna sur le chemin neigeux…
Cette année-là l’hiver dura longtemps, mais dans la petite maison la marmite noire donnait chaque jour une soupe, dans la huche il y avait régulièrement une grosse miche de pain et le bûcher était garni sans cesse de bois sec.
Puis le printemps succéda à l’hiver, l’été au printemps et l’automne arriva.
Le pommier de misère était couvert de pommes et très vite les gamins s’arrangèrent pour venir les chaparder. Ils restèrent tous coincés dans les branches griffues. Ils avaient beau se démener, crier, rien à faire, ils étaient prisonniers du pommier. La vieille attendit plusieurs heures avant de les délivrer, histoire de leur faire une bonne peur. Ils filèrent alors avec l’intention de ne plus revenir. L’affaire se raconta dans tout le village et au bout de quelques jours, misère était devenue magicienne, sorcière, toutes ces choses que l’on dit quand on ne comprend pas ce qui se passe.
Un soir de cet automne-là, alors que misère était assise au soleil près de son cher pommier, elle entendit tinter la cloche à sa porte. De loin elle aperçut une visiteuse, tout habillée de noir, avec un visage jaune sous un capuchon noir, et une faux dans la main. Bien sûr notre bonne femme reconnut la mort, vous l’aurez reconnue aussi.
« Que viens tu faire ici ?
-Je viens faire mon travail, ton heure à sonné, tu dois me suivre.
-Déjà ?
-Tu devrais en être heureuse, pauvre et vieille comme tu es.
-Pauvre, je ne suis pas pauvre, j’ai de la soupe au feu, du pain dans la huche et du bois au bûcher et quant à être vieille je le suis moins que toi !
-Allons, ne fais pas tant d’histoires, décide-toi, je n’ai pas que ça à faire…
-Bon, dit misère, accorde-moi au moins quelques minutes afin que je m’attife un peu, je ne veux pas arriver dans l’au-delà en tenue négligée. Et tiens, je voudrais emporter trois pommes pour le voyage, monte donc dans le pommier et cueille-les pendant que je me prépare, nous gagnerons du temps. »...
à demain pour la suite...
la gaillarde conteuse