Le jardin du 10 Octobre

Publié le par Patricia Gaillard

J’entends caqueter les poules de mon voisin
Mais je ne vous ai pas raconté de contes depuis longtemps !
je vais de ce pas réparer cette erreur...

 

Poule rouge et le loup

 

Une poule rouge surgit, affolée, du portillon ouvert entre le potager et la ferme. Ses yeux exorbités cherchent la chèvre et la truie pour qui elle a une terrible nouvelle.

« Oh, mes amies, voici la fin des douces nourritures, des siestes sous le pommier, des grains au creux des herbes. Le fermier et la fermière ce soir, cueillant les haricots, ont parlé de la foire où ils iront tantôt, vendre la rouge, la noire, la blanche… c’est nous !  Il faut faire quelque chose. Moi, la cocotte-cercueil avec la gerbe de thym-laurier, je refuse net ! »

La chouette, dans le pommier, hulule gravement : « les bêtes de ferme finissent ainsi. »

La poulette bondit : «Chèvre la blanche, gorette la noire, redevenons, sauvage, comme cette vieille chouette sage »

Poule rouge devant, en meneuse de troupe, sort de la ferme, fièrement, suivie de la truie noire au groin rosé et de la chèvre blanche. Elles sont décidées. Mais si à la ferme la foire est une menace, dans les grands bois, cette menace est un loup. C’est la chouette qui le dit, pour prévenir le trio que rien pourtant ne décourage. Il faudra cependant trouver un abri, un pour chacune, car si leur amitié est vraie, leur vie n’est pas la même. Du tout.

La truie est grosse et un peu paresseuse. Elle voit bientôt quelques buissons de prunelliers qui forment ronde autour d’une terre moelleuse, un peu humide, presque boueuse… elle n’hésite pas un instant, d’autant plus qu’elle est déjà fatiguée : « Je reste là, cachée »

Les deux autres commères continuent leur chemin. L’œil de la chèvre tombe sur une cabane en bois, un peu miteuse. Mais grande et adroite, elle pense réparer l’endroit et s’y installe avec plaisir.

Notre poule rouge s’enfonce au bois, inquiète. Elle a déjà croisé renard, et la chouette dit que le loup est un peu son cousin. Prudence… prudence. Elle cherche longtemps un abri honorable quand elle voit dans un gros chêne une ouverture ronde, qui donne sur un logis spacieux et confortable. Elle y pond trois œufs. Ouf, ça fait du bien, la chose pressait !

Pendant cet accouchement, le loup qui de loin les avait suivies, arrive chez la truie. Par quelques politesses chuchotées, il essaie d’inviter la belle à un bal, à un thé, à quelque chose qui la ferait sortir de sa maison de branches. Mais rien ne l’intéresse, elle se repose et comme le loup menace d’entrer, elle rit.  Il entre pourtant, trois piquants de prunelles n’ont jamais retenu un loup et la pauvre gorette vivement dévorée, lui tient l’estomac heureux plusieurs jours…

Après quoi, un matin, il frappe doucement à la porte de la cabane où la chèvre déguste un pot de sel. La blanche fait la sourde. Ce sel est délicieux. Il insiste, elle persiste. Le loup se jette contre la porte. Fragile, cette porte.

La jeune viande de chèvre un peu salée, vaut le détour. Notre loup est content, il digère, dans une clairière, ce beau festin de roi.

 

Pendant ce temps, ignorant tout de ces carnages, notre poule échange ses œufs contre une boîte d’épingles et deux trois planches de bois puis elle fait à son logis une porte finement hérissée que nul n’oserait forcer, à moins d’être un peu fou !

Le loup a gardé la poule pour un reste de faim. Cette proie est bien petite, mais on dit que sa chair est tendre, savoureuse et bien grasse. Un dessert pour lui je crois.

Oula ! Les piquants d’épingles sont plus méchants que ceux des prunelliers !

Sa pauvre patte en tremble. Ce n’est pas grave, il va souffler, il a le poumon sain et vigoureux.

Mais cette porte hérissée est épaisse comme celle d’un pont-levis ! Alors il tourne autour du chêne et cherche une autre entrée, mais il n’y a rien qu’un trou de cheminée dont sort une fumée blanche. « Et si je m’essayais dans ce trou ? Oh, il a juste ma taille… » dit le gourmand en léchant ses babines. Il se laisse glisser les bras en l’air et arrive le derrière dans une cocotte, où bout une gerbe de thym-laurier…

Il n’y reste pas longtemps, l’horreur donne des ailes même aux loups et celui-ci s’envole par cette même cheminée. Il court, court, dans les bois, il se passera de dessert.

La poule je crois est encore dans le gros chêne. Le soir, quand notre lune monte, elle entrouvre sa porte et la chouette s’y glisse. Elles devisent longuement des choses de la vie, des bêtes, des gens.

 

Pendant ce temps notre loup ronfle,

le derrière chauve, mais vivant.

Il rêve de festins, de ripailles,

pendant que la nature, maille par maille,

Tricote des saisons et du temps


Patricia Gaillard 

 

la gaillarde conteuse 

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