Au bord de l’étang les grandes marguerites jaunes semblent absorber littéralement le soleil encore chaud. Le ciel bleu et pur au-dessus d’elles s’accorde parfaitement à leur couleur.
Ils nous invitent tous deux à un instant de contemplation.
Un instant délicat de miel et de douceur...
Visite, toujours un peu étrange, d’une mante religieuse. Bonne occasion de parler d’elle, car des bruits courent qui la présentent comme une cruelle créature. Que nenni, car Bernard Werber, dans son excellent ouvrage L’encyclopédie du savoir relatif et absolu, rétablit à son sujet une vérité fort intéressante. Je vous résume la chose :
Il est dit que la mante religieuse, plus grande que le mâle, dévore celui-ci après la copulation. C’est une chose que l’on a observé maintes fois, au sein des vivariums, et que nous répétonstous - sans l’avoir même observé de visu - à qui veut l’entendre. Erreur... c’est là une observation scientifique car dans la nature notre mante ne se tient pas du tout ainsi. Il est vrai qu’après cet acte qui demande, vous ne le nierez pas, un certain effort, cette bête a grand faim. Cette faim réclame des protéines, et la protéine la plus proche est le mâle, coincé pour son malheur dans le vivarium avec madame. Celle-ci, pressée et sans en avoir conscience, dévore la source de protéines qu’il représente.
Mais dans la nature, le scénario n’est plus le même. Car le mâle - pas idiot car fort de son expérience en la matière - se tire immédiatement après leurs ébats et se cache sous n’importe quelle feuille ou branche, pendant que sa compagne, affamée, attrape le premier insecte qui passe pour soulager la faim qui la tiraille. Dans ces conditions, plus personne ne va songer à la traiter comme une criminelle, car dévorer autrui est tout bonnement sa vocation.
Et puisque nous parlons de protéines, pouvons-nous, si nous sommes carnassiers, prétendre ne pas être criminels ? Houla le sujet est brûlant ! De plus, contrairement à la mante religieuse, nous en avons conscience...
Mais je voulais parler ici de la mante religieuse, plus religieuse qu’on ne le croit et qu’on ne le dit.
Je suis Marinette la courgette, six kilos cinq pour vous servir. J’aurais pu encore rester accrochée à mon pied, mais franchement ça commençait à me demander un sacré boulot d’aspirer chaque jour ma subsistance. Et puis j’aurais continué à grossir, ce qui de nos jours, avec tout ce que l’on sait, n’est pas souhaitable. J’ai donc prié la jardinière et le jardinier de couper ce cordon ombilical piquant et creux qui me reliait à la terre. Et me voici, un peu surprise et fatiguée, mais contente. De plus, étant donné ma grande taille ils ne vont pas me manger, je vais donc échapper à la casserole. Chouette. Je vais décorer le devant de la maison, paraît-il, c’est une belle vocation ! Pour l’instant on m’a proposé chapeau et lunettes, j’ai demandé aussi ces boucles d’oreilles en lanternes japonaises, elles ont une couleur orange si fascinante. Ça me va bien au teint, non ? Tout cela c’est pour la photo, je me sens comme une star ! Après tout n’est-ce pas ce que je suis ? Ravie de faire l’expérience de votre monde, il a l’air si intéressant. Pourtant, au moment de quitter définitivement le pied de courgette, le thym - qui n’est pas loin - m’a dit :
« Ma pauvre, ne te réjouis pas trop, le monde des humains, tu sais... »
Je ne sais pas ce qu’il a voulu dire, il n’a pas eu le temps de terminer sa phrase que déjà j’étais coupée du langage végétal, pour rejoindre le vôtre...
Je verrai bien