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Le jardin du 24 Septembre

Publié le par Patricia Gaillard


Le jardin du 24 Septembre

 

Vivre dans un jardin c’est vivre régulièrement quelques heures en ermite. Mais certains êtres deviennent ermites « à plein temps ! »

Autrefois l’ermite était forcément un moine qui choisissait de vivre totalement seul dans une forêt, au plus proche du divin, des bêtes et de la nature dont il se nourrissait humblement. De nos jours il existe bien des formes érémitiques, dont certaines sont tout à fait laïques, elles restent cependant des solitudes extrêmes, dictées par le besoin de quitter nos sociétés humaines et leurs pesants et limitants conditionnements, pour vivre dans l’état «d’origine»

J’avoue avoir toujours été fascinée par ces gens, et quand mon éditeur m’a demandé, en 2010, un second gros ouvrage de contes et légendes - d’Alsace en l’occurence - j’ai vu là l’occasion d’écrire ce que je considère comme la plus belle histoire du pays de mon enfance...

 

 

 

Ludigari, ermite de la forêt du Tannenwald

 

Certains êtres quittent le monde et son curieux désordre pour vivre en solitaires au fond des bois. La nature devient alors leur compagne, leur demeure, leur nourriture et leur joie. Ils prétendent ainsi se tenir au plus près du divin. 

Ludigari était de ceux-là et il s’était retiré dans la forêt du Tannenwald. Il était peu à peu devenu frère des plantes, des bêtes et des sources. Tous leurs secrets, au fil des ans, s’étaient ouverts à lui. Il se nourrissait de baies, de fruits sauvages et de racines à la belle saison, de noisettes, de glands et de faînes dès l’automne. Il en partageait la provende si patiemment glanée avec les petits animaux du bois quand arrivaient ces jours rudes où notre hiver pose, comme il sait si bien faire, des vents et des gels splendides et meurtriers.

À force de vivre ainsi, Ludigari avait fini par devenir noueux et sec comme un arbre, avec des yeux limpides comme l’eau. Il portait une barbe et des cheveux très longs, d’une blancheur nacrée. Et il ne parlait plus. Le langage était la dernière chose dont il s’était défait et ceux qui le cherchaient dans sa cabane de lierre et de branchages – car il avait des herbes une fine connaissance et ne refusait à personne ses potions merveilleuses – ceux-là trouvaient un homme dont le regard très doux et les gestes de bonté disaient, sans le secours des mots, l’essence de la vie.

Mais la mort nous cherche tous quand notre heure a sonné, sans jamais considérer qui nous sommes. Aucun mérite, aucune faute ne saurait influencer sa banale besogne et elle entra un jour dans la forêt du Tannenwald.

Le vieil ermite, ce matin-là, alors qu’un beau printemps réveillait tout de sa douceur exquise, sentit une lame froide circuler dans son sang et il sut, lui qui sentait les choses impalpables, que le temps était venu pour lui de glisser dans la mort. Il ne la craignait pas. En quittant le monde, il était déjà mort aux vanités et aux désirs ; il avait donc accompli depuis longtemps tout un pan de ce travail et son cœur ne connaissait pas l’angoisse.

Il s’allongea dans sa hutte, sur sa couche de foin, et prépara son âme à ce voyage.

Un prodige d’une adorable simplicité alors se déroula : les animaux des bois défilèrent les uns derrière les autres pour rendre hommage à leur frère mourant. Ils étaient tous là, du loup qui portait sa tête baissée au ver luisant qui tendait sa lanterne fragile dans la sombre cabane où l’homme agonisait. Ah, si nous avions pu voir, dans le silence recueilli de la belle forêt, la procession gracieuse et lente de ces bêtes, celles-ci nous auraient rappelé, sans dire un seul mot, que nous sommes, avec elles, le peuple de la terre.

Ludigari le savait, lui, et bien des choses encore que nous ne saurons pas.

Après la visite de la toute dernière des plus petites bêtes, notre ermite abandonna son souffle et s’en alla, bienheureux.

 

Peu d’êtres, pensez-vous, sont encore capables de telles choses, je crois pourtant qu’ils existent, mais ils sont silencieux, discrets, on ne les verra pas sur les réseaux sociaux !

 

la gaillarde conteuse

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Le jardin du 23 Septembre

Publié le par Patricia Gaillard


 

 

Le jardin du 23 Septembre

 

Et les fleurs de septembre, quelle lumière dans les couleurs ! La grande chaleur de l’été éteint un peu leurs teintes et les rend fragiles, difficiles à tenir en bouquets. Mais en ce moment, comme s’il s’agissait de s’assortir aux pommes, aux figues, aux courgettes jaunes d’or, aux potirons et aux dernières tomates, elles donnent tout pour être les plus belles et elle y réussissent. Il y a de beaux bouquets partout dans la maison, il faut les savourer, les contempler, car une ou deux nuits froides suffiront à noircir les fleurs et à défaire le jardin de ses merveilleuses parures, éteignant d’un grand coup toutes les couleurs. Il restera heureusement les verts des arbustes, des herbes, des arbres, des tapis de phacélie, des verts peu à peu moins vifs certes, mais si fidèles et dont certains dureront l’hiver sans périr.

Le petit domaine est heureux de la pluie d’hier, on y sent même le soulagement de la terre et des racines. Le soleil d’aujourd’hui frappe sans scrupules, le bougre, quelle jeunesse encore dans son ardeur !

 

la gaillarde conteuse

 

 

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Le jardin du 22 Septembre

Publié le par Patricia Gaillard


Le jardin du 22 Septembre

 

Les lumières et les couleurs du paysage changent sans cesse et parfois un nuage violet, rougi par le couchant, perd son éclat en quelques secondes et n’a plus rien de son éphémère splendeur. Rien n’est plus provisoire, plus fragile que les lumières des paysages.

Le peintre, frappé par celles-ci, garde en mémoire sûrement ce qu’il a vu, lui qui a le don des couleurs, puis il les restitue sur sa toile, ainsi arrive-t-il à les faire durer, à les retenir. Mais il lui faut en retrouver l’ambiance exacte, par le maniement très précis des couleurs et des formes.

Les paysans d’autrefois s’arrêtaient bien plus que nous aux lumières et aux couleurs, car celles-ci leur indiquaient les chaleurs, les pluies, les vents, les rosées, les orages, les givres à venir. Les hommes de la terre n’avaient que ces indications-là pour savoir, prévoir, protéger, et les subtilités du temps ne leur étaient pas étrangères.

Nous consultons les « météos » qui nous disent tout, aussi avons-nous laissé se perdre ces belles facultés.

Ce soir il tonne sur le petit domaine, sans pluie, sans vent, ça gronde de ci, de là, sans grossir, sans oser. Pas un oiseau ne chante, pas un insecte ne batifole, tout se suspend, tout semble attendre quelque chose qui ne vient pas.

Et soudain pourtant, brusquement même, un gros coup de tonnerre éclate, une pluie inattendue et lourde ruisselle sur les toits et sur les grandes feuilles des noyers. L’étang est piqueté de mille gouttelettes, une vapeur imperceptible monte du sol, chargée de ce très singulier parfum de terre arrosée. Maintenant la pluie redouble, inonde la toile sur la table du jardin et brouille les carreaux de la fenêtre.

Il pleut, quelle merveille !

Que cette eau céleste bénisse votre soirée...

 

la gaillarde conteuse

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Le jardin du 21 Septembre

Publié le par Patricia Gaillard

Voici les fruits du laurier-cerise, qui contiennent une très petite dose de cyanure, cet arbuste n’est pas à confondre avec le laurier noble, ou laurier-sauce, que l’on connaît en cuisine.

Le jardin du 21 Septembre

 

Les baies colorées sont les joyaux de l’automne. Rouge sang et bien ronde la cenelle d’aubépine, vermillon l’oblongue baie d’églantine, lie-de-vin les fruits en bouquet du sureau, rubis et ronde comme une bille la cenelle du houx, bleu très sombre la baie du lierre en paquets lourds, la mini-prune du prunelier, d’un violet plutôt laiteux, qui devient violet foncé et luisant quand on la frotte d’un doigt, l’orange vif des grappes de baies de sorbier, rouge et ocre les minuscules pommes sauvages et les belles cerises - qui n’en sont pas - du laurier.
Levez le nez en marchant, contemplez ces joyaux mats ou brillants, ils sont véritablement les bijoux des végétaux et ponctuent massifs, buissons, haies et arbustes de leur rondeur fécondante, puisqu’ils contiennent toutes les graines à venir, que le vent et les oiseaux disperseront, quand ils seront tout à fait desséchés, au seuil de l’hiver.
L’automne je vous le dis est coquet et soucieux de ses parures, il allie les teintes chaudes et les formes pleines et rondes pour arriver à briller, entre le jeune été et le vieil hiver.

La beauté de la maturité me direz-vous ?

Mais oui, vous avez raison !

Brillons, brillons, comme l’automne, avec grâce...

 

la gaillarde conteuse

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