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UNE BELLE HISTOIRE

Publié le par Patricia Gaillard

Yvette est petite, ronde, les cheveux courts, la soixantaine. Banale. Totalement. Enfin, au premier abord. je l'ai rencontrée lors d'un anniversaire. Un anniversaire comme souvent, lampions, serviettes de papier pliées en fleurs, paella, vin moyen, DJ. Pas de surprise.
On a beau faire, c'est rare les surprises dans ces moments-là.
Pourtant...
Elle était assise près de moi, avec son homme, un taciturne. Elle causait volontiers, avec un peu d'accent parigot, elle était souriante, marrante. À un moment la DJ, j'ai bien dit "la", a mis un morceau de Piaf. Tiens, c'est pas souvent Piaf, dans ces contextes-là. C'est bien plutôt Claude François ou pire encore. Faut que ça bouge. Piaf, j'étais contente. Et voilà que j'entends près de moi cette voix étonnante, tout près de moi. Yvette chantonnait en même temps, doucement, mais avec une voix remarquablement juste, nette, claire. J'étais entre deux Piaf dont je ne savais plus dire laquelle était la vraie. Bien sûr j'ai dit "vous chantez bien". Elle a murmuré, en rosissant "j'adore chanter, mais je chante pour moi, dans ma cuisine."
Nous avons alors causé de sa voix. Moi qui suis conteuse, je me produis en public, je prépare mes histoires dans l'idée de les offrir, de les partager. ça me semblait étonnant qu'avec une telle voix elle ne sorte pas de chez elle pour la faire entendre au monde ! Mais elle disait et ne cessait de me répéter "oh je n'oserais pas, je suis bien trop timide, je chante chez moi, dans ma cuisine" Puis, en riant : "mon mari me dit toujours "oh mais tu m'embêtes avec tes chansons !"
Elle n'avait qu'un souci, Yvette, c'est qu'elle ne connaissait pas bien toutes les paroles des chansons d'Edith Piaf et ça, ça la chagrinait. Internet ? Non, elle n'avait pas ça. Certains de ses voisins, si, mais jamais elle n'aurait même songé à demander et puis elle ne savait pas qu'on pouvait faire ça. Je lui ai promis des paroles, je chercherai, je les imprimerai, les lui enverrai... Elle disait "oh ben non, vous n'aurez pas le temps, et puis vous n'y penserez plus une fois rentrée chez vous, et puis..."
Mais si j'y ai pensé. J'en ai imprimé six, envoyées dans une grande enveloppe blanche, pour ne pas les plier. Avec un mot qui lui proposait de m'envoyer une liste. Trois jours après j'avais un mot ému. Yvette était aux anges. Elles pouvaient les chanter de bout en bout ! Elle avait mis sa liste de chansons, qu'elle a reçues pas longtemps après.
Puis l'autre jour, une jolie carte, un peu brillante, avec des chatons "Merci mille fois pour ces belles chansons que je chante pour moi. Je vous embrasse tendrement. Yvette"

L'Artiste, c'est Yvette. Pas de plaquette, de diffuseur, d'agent, de cachets, de régime d'intermittente... elle chante dans sa cuisine avec une voix que lui envieraient toutes ces belles filles qui chantent à la télévision. Elle chante pour elle, pour le vent, pour le soleil, pour Dieu peut-être, en tout cas il doit le croire...
L'Artiste, c'est Yvette.
Je ne vous dirai pas où se trouve sa cuisine, car elle est timide.
D'ailleurs son vrai prénom c'est pas Yvette.
Yvette, c'est pour vous empêcher de la découvrir.
Yvette, elle est comme ces tribus des forêts amazoniennes, qui mènent une vraie vie. Il vaut mieux qu'on ne sache pas où elles sont, car elles deviendraient "à la mode" et se verraient ainsi perdues.
Mais avoir l'occasion de croiser une tribu cachée de forêt amazonienne, ou une Yvette, c'est un bonheur, un honneur.
Voilà.

Patricia Gaillard
femme à histoires...

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PIQUE-NIQUE FÉÉRIQUE

Publié le par Patricia Gaillard

clocher comtois de Saulnot
clocher comtois de Saulnot

Nous sommes deux commères, et nous jouons un peu partout un duo, qui s'intitule Flodoberte et Mélisende, une forme de spectacle inédit que nous nommons : Mythologie des talus.
Nous sommes deux commères et nous nous appelons Francine Beudet et Patricia Gaillard, mais "Les Trotte-Vieilles" est notre nom de scène, car nous trottons d'un lieu à l'autre et nous sommes loin d'être jeunes !
Mais figurez-vous que, chose curieuse, les Trotte-Vieilles étaient des fées que l'on pouvait croiser jadis dans le village de Saulnot, en Haute-Saône...
Samedi dernier nous avons joué notre duo à la Bibliothèque de Belfort.
Belfort ? Saulnot n'est pas loin !

"Dis donc, me dit ma commère Francine, si on allait y faire un tour ?
Ce à quoi je réponds...
"J'ai un collègue conteur, écrivain et Elficologue notoire qui vit par là-bas. Si nous l'invitions à un pique nique pas ordinaire ?"
Tout fut adopté, le village, le pique nique, l'Elficologue... qui est, bien sûr, Hervé Thiry-Duval ! Restait à préparer la chose...
Vendredi 11 septembre (!) à midi, dans le jardin de l'église de Saulnot, nous avons dressé une sacrée table. Nappe de lin ancien, vieille vaisselle Terre de Fer, couverts en argent, antiques verres en cristal. Tous ces beaux objets séculaires posèrent déjà leur charme.
Assis sur des pierres particulières - dont je garderai le secret - ou sur l'herbe, nous étions réunis tous les trois et les mets ont défilé : tomates du potager, orange et jaunes, avec vinaigrette citron-huile d'olive-basilic. Mini-courgettes de plusieurs couleurs, aux gracieux contours dentelés, comme sont les pâtissons, accompagnées de sauce piquante à la crème.
Puis sont arrivés : une terrine façon Francine, un flan de courgettes jaunes, un coulis de tomate aux herbes, du pain acheté au hasard et carrément délicieux, et pour finir yaourt nature de la ferme avec coulis de fraise et de framboise du jardin.
Vous salivez et vous avez tout à fait raison.
Pique-nique féérique.
Puis les conversations ont duré l'après-midi, sous un chaud soleil, près des arbres et des murets de grès rose, sous le joli clocher comtois. Nous avons parlé des fées, des sorcières, des contes, des conteurs, de la synchronicité, de Flodoberte et Mélisende...

Un délice, mes amis, un délice...

Paganisme et christianisme ont cohabité ce jour-là avec grâce et ont prouvé une fois de plus que nos rêves sont plus doux que nos religions. Très belle image, pour un 11 septembre... entre nous soit dit...

Cliquez sur l'image ci-dessous pour voir le Teaser FLODOBERTE ET MÉLISENDE sur you tube

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Festival du Conte sur l'île de Vassivière !

Publié le par Patricia Gaillard

Festival du Conte sur l'île de Vassivière !

Un parking, une passerelle, un petit train rigolo qui la passe tranquillement. Puis l'île de Vassivière, des chapiteaux, fermés, ouverts, blancs ou rayés, des fauteuils dispersés dans l'herbe, la roulotte d'Armelle et Peppo, des librairies sous des tentes, une ambiance détendue, calme, douce, lente...

Ici il y a des conteuses, des conteurs, des apprentis, des débutants, des professionnels, des réputés. Ici on ne fait que raconter, à toute heure du jour et parfois tard dans la nuit, ici on ne fait qu'échanger, pour ne parler que de contes et d'histoires, on vit soudain dans la boîte colorée et magique de l'imaginaire, on est bercé, enchanté, étonné, déstabilisé, perplexe parfois, et de temps en temps carrément émerveillé !

Ici il y a les organisateurs et tant de bénévoles, qui se donnent à leur festival comme on se donne à un enfant, sans compter ( et sans conter d'ailleurs, ce sont les invités qui content ! ) Ils ont tout prévu, pour raconter, pour manger, pour boire, pour discuter, pour se reposer, ils ont tout prévu. Leur bienveillance est un tapis confortable sous les pieds des raconteurs et des festivaliers...

Ici on se met entre parenthèse. Le monde extérieur est toujours là, mais à quelques pas, à distance, on prend de lui quelques vacances, pour mieux y revenir, plus fort, peut-être autrement, car les contes nourrissent des parts de nous qui alors rapportent des trésors, des lueurs, des éclats de mystères, des enchantements. On n'en revient pas tout à fait comme on y était arrivé.

Un festival du conte, c'est un bain de contes, en fin de compte.
On revient lavé ? Oui. De beaucoup de choses...

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Bouquet royal

Publié le par Patricia Gaillard

Bouquet royal

Tôt ce matin j'ai rassemblé ces fleurs dans le jardin. Ce bouquet est si royal, que je l'ai dédié à toutes les reines et à tous les rois des contes. Mais savez-vous que ces deux personnages sont les symboles de la complétude et de l'harmonie de notre royaume intérieur ? Souvent au début de l'histoire, quelque chose leur fait défaut : ils n'ont pas d'enfant, sont veuve ou veuf, ou bien ont besoin de successeurs. Le conte alors se tisse autour et va cueillir, à travers les embûches nécessaires - et souvent avec l'aide des figures de l'autre monde - ce complément rêvé. Tout alors se met en place dans ce royaume, l'harmonie s'installe et l'on assiste à cet aboutissement qui s'appelle la "fin"et qui est, en fin de compte et de conte, renaissance, rédemption, individuation.
Ce très beau bouquet valait cette promenade en nous, non ?

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