L'été est une saison très particulière au petit domaine. Nous vivons au rythme de la nature, l'été n'est donc pas synonyme de repos, mais de travail. Levés tôt, pour faire toutes les tâches actives le matin, nous ressemblons plus à des abeilles besogneuses qu'à des septuagénaires. La maison et le jardin sont grands, plus grands encore quand il fait si chaud !
Les après-midi nous voient à l'ombre des grands arbres, ou carrément à l'intérieur, car la pierre nous vaut un logis bien frais. S'installent alors des moments d'écriture, de lecture et d'aquarelle pour moi, de musique et de généalogie pour le jardinier. Chacun a ses domaines d'inspiration... et pour ce qui est de la lecture, je découvre avec plaisir depuis hier un sujet qui m'interpelle depuis fort longtemps et sur lequel je ne m'étais pas encore penchée : La théorie de la signature, nommée ainsi par Paracelse (1493-1541) "Une vision philosophique et spirituelle du monde, la voie d'une autre connaissance du végétal et de la nature. Passerelle entre le visible et l'invisible, la signature est un symbole, une clé d'accès au dedans des choses."
Claire Bonnet - Préface de Daniel Kieffer
Le courrier du livre - Éditions Trédaniel
En rose taché de jaune et en grenat velours
Voici quelques glaïeuls pour ce bon jour
Que Juillet vous offre un bouquet de plaisirs
De repos, d'amitié, de détente et de rires !
je vous souhaite des heures heureuses
la gaillarde conteuse
Le lendemain matin, quelqu'un frappa trois coups secs à la porte du bourgmestre. C'était le charmeur-musicien-conteur-magicien, qui venait chercher son salaire, bien mérité.
Le bourgmestre était un peu emprunté :
- Il me faut prendre le conseil de la population, vous savez bien qu’un bourgmestre ne peut rien faire sans le conseil de la population. Revenez demain.
Le soir même tout le village était réuni. Ils étaient tous concernés.
- Quand même, a dit l'un d'eux, 300 florins d'or, c'est une grande somme, c'est le prix d'une belle fête, car, après tout, la chose a été très vite faite.
- très vite faite, dit un autre, trois petites notes soufflées au hasard dans un flûtiau de bois, on ne peut pas appeler ça un travail ! un travail d’artiste peut-être, mais on sait que ce travail-là n’est pas un travail… Je trouve ce garçon trop gourmand.
Tout le monde était d'accord... Ils décidèrent de donner trois florins d'or à ce saltimbanque de grand chemin... ça ne valait pas plus et c'était déjà beau... disaient-ils...
Le lendemain matin, quelqu'un frappa trois coups secs à la porte du bourgmestre. C'était le charmeur-musicien-conteur-magicien. Le bourgmestre lui tendit sa main où brillaient les trois florins.
- votre travail a été bien fait, un travail d’artiste, mais somme toute très vite fait, et 300 florins, c'est une grande somme, nous avons tous bien réfléchi, c'est tout à fait exagéré. Voici ce que nous pouvons vous donner.
Le jeune homme prit les trois florins dans sa main, les regarda un bon moment, puis les posa sur la table et quitta aussitôt la maison.
Le bourgmestre était bien soulagé, le charmeur n'était même pas fâché ! Il y a sur terre de bonnes natures.
Le soir suivant, à l'heure où le soleil nous quitte, à l'heure où la nuit tombe, à l’heure où tout devient gris, les enfants jouaient à nouveau partout, sur les places, autour des églises dans les bois, près de la rivière... Personne ne s’inquiétait, il n'y avait plus de rats, plus de rats, plus de rats.
Le jeune homme entra dans la ville, s'arrêta sur la place, attrapa la flûte qui pendait au ruban de sa ceinture et se mit à jouer. Les enfants, ravis, leurs yeux arrondis, leurs bouches entr’ouvertes, écoutaient, émerveillés. L'un d'entre eux, doucement, sur la pointe de ses pieds roses, s'approcha du charmeur et se plaça derrière lui. Puis un deuxième, puis 10, 20, 100, 200 ! Le charmeur marchait sans cesser de jouer, entraînant derrière lui la longue file des enfants : des grands, des petits, des fins, des ronds ! Ils oublièrent tout : leurs jeux, leurs parents, rien ne pouvait être plus fantastique que cette musique suave qui tournait dans leurs oreilles comme un chant de paradis !
Le charmeur marchait sans cesser de jouer, entraînant derrière lui la longue foule des enfants qui n'entendirent jamais les appels des parents. Ils marchèrent tous jusqu'à la montagne, qui avait une grande porte ouverte, comme un vrai beau château. Ils entrèrent dans ce château, tous tous tous. On entendit longtemps encore le son de la flûte et cette très belle mélodie, si envoûtante.
Et puis plus rien.
Où sont-ils donc partis ?
À Hamelin, on ne fait plus de fête, on ne danse plus, on ne porte plus de vêtements de couleur. Sans enfant, une ville n'est plus rien.
Où sont-ils donc, ces chérubins qui ont suivi deux-trois petites notes soufflées au hasard dans un flutiau de bois ?
Où sont-ils ?
je vous laisse méditer la chose... et je vous le dis, vous en avez pour un moment !
- vous n'allez pas, jeune homme, faire tout ça pour rien. Combien demandez-vous ?
- 300 florins d'or
- 300 florins d'or, c'est une somme ! Il me faut prendre le conseil de la population. Vous savez bien qu'un bourgmestre ne peut rien faire sans le conseil de la population ! Revenez demain matin.
Le soir suivant les habitants du village étaient réunis autour de leur bourgmestre.
« 300 florins d'or... ! C’est une sacrée somme… C’est le prix d’une belle fête ! cependant pour être débarrassés des rats, de tous les rats, ça vaut peut-être la peine, » dit l'un d’eux.
ils étaient tous concernés, ils étaient tous d'accord, la chose fut décidée...
Le lendemain matin, quelqu'un frappa trois coups à la porte du bourgmestre... C'était le charmeur-musicien-conteur-magicien. Cette fois le maire le fit entrer, asseoir dans un fauteuil et manger quelque chose. Le garçon accepta le travail, pour 300 florins d'or, qui lui seraient remis, une fois les rats partis.
Le soir suivant, à l'heure où le soleil nous quitte, à l'heure où la nuit tombe, doucement, pour ne pas nous effrayer, à l'heure où tout devient gris, les rats passèrent comme des ombres chinoises, noirs avec des dents noires sous des moustaches noires, c'était l'heure des rats !
Les gens étaient cachés dans leurs maisons, le nez contre le carreau, ils observaient… Le jeune homme entra dans la ville, marcha jusqu’à la grande place du village,là où se trouve le vieux chêne au feuillage orange et frémissant et tout droit sous la lune qui éclairait joliment son costume, le charmeur-musicien-conteur-magicien prit sa flûte et joua.
Les rats, ravis, leurs yeux rapetissés, leur langue pendante râpeuse, leurs pattes racornies sur les morceaux de viande pourrie, sur les miettes de gâteau moisi, se régalaient de cette musique admirable, délicieuse comme un caramel et qui entrait dans l'oreille comme une musique de paradis !
L'un d'entre eux, sur la pointe de ses pieds roses, s'approcha du charmeur, se plaça derrière lui, puis un deuxième, puis 10, 20,100, 1000,2 000 ! Ils ont formé lentement une longue caravane de rats. Ils ont suivi ce vêtement de couleur, ce charmeur-musicien-conteur-magicien. On les a vu partir, en foule grouillante, ondulante, avec leurs moustaches, leurs oreilles rondes et leurs queues striées, Ah, leurs queues striées... ! Queues de rats ! Rattus rattus ! les rats noirs !
Les habitants de Hamelin, le nez collé à leur carreau, regardaient la silhouette incroyable de cette longue colonne de rats qui traversaient leur ville. Il y en avait tant et tant et tant et tant... Le charmeur sortit de la ville, tous les rats derrière lui, ils marchèrent jusqu'à la rivière, puis entrèrent dans la rivière, tous tous tous.
On entendit encore longtemps, de loin, le son de la flûte et cette très belle mélodie, si envoûtante. Et puis plus rien.